Compte rendu de la séance du 16 juin 2005
à l'assemblée nationale

Projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux

 

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Avertissement : Les informations contenues dans cette page sont une retranscription des textes officiels, auxquels elles ne peuvent se substituer.

 

M. le Président

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

 

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure de la CMP

Nous nous acheminons enfin vers le vote définitif de ce projet, la succession des ministres et le calendrier parlementaire ne nous ayant pas permis de l'adopter plus tôt. Je commencerai donc par une supplication, en saluant d'abord votre arrivée au Gouvernement, Monsieur le ministre délégué, vous qui êtes un spécialiste des problèmes sociaux. Entendez-vous publier rapidement les décrets d'application de la future loi ? Ce faisant, je ne suis que l'interprète des parents, des présidents de conseils généraux et des assistantes maternelles et sociales. Si nous tenons à ce que ce projet entre en vigueur le plus rapidement possible, c'est qu'il comporte de réelles avancées, qui bénéficieront aussi bien aux familles qu'aux professionnels. Il réalise un précieux équilibre entre requalification d'une profession et sécurité des parents, garantissant une qualité d'accueil sans pareil.

Cette profession, on le sait, a été pendant très longtemps sinon ignorée, du moins sous évaluée. Pour la première fois, la loi consacre l'existence de deux professions définies de façon bien distincte, exerçant toutes deux une mission de service public. Les assistants maternels non permanents accueillent des jeunes enfants confiés par leurs parents, et qui regagnent le domicile familial le soir, tandis que les assistants familiaux s'occupent des enfants en grande difficulté qui leur sont confiés par les services sociaux départementaux.

Le projet consacre deux grandes avancées en matière de formation, aussi bien initiale que continue, qui distingueront ces modes de garde des autres. Non seulement, il doublera le nombre d'heures de formation - 120 pour les assistants maternels et 240 pour les assistants familiaux plus 60 heures de stage -, mais il prévoit également la formation initiale entre l'agrément et le premier engagement, ce qui est un gage de qualité d'accueil des enfants.

Une telle formation permettra aux assistants maternels et familiaux d'exercer ultérieurement d'autres métiers de leur secteur d'activité, en bénéficiant des acquis de l'expérience. Après trois années d'exercice, ils pourront présenter des dossiers de validation des acquis de l'expérience, et, à l'issue des 120 heures de formation proposées, passer l'examen du premier module du CAP petite enfance qui leur permettra de postuler aux postes des services sociaux départementaux et communaux. De telles avancées susciteront, à n'en pas douter, des vocations auprès des jeunes.

D'autre part, la formation aux gestes de premier secours permettra de rassurer les familles, cependant que l'obligation de passer un entretien en français pour obtenir le premier agrément améliorera la qualité de l'accueil de l'enfant.

Dans ces conditions, il devenait normal de garantir une plus grande sécurité contractuelle. Ce seront donc désormais des contrats de travail qui lieront les assistants à leur employeur. A ce sujet, Monsieur le ministre délégué, vous savez que le projet relatif au développement des services à la personne prévoit que les parents pourront rémunérer les assistants avec des chèques emplois-service. Une telle disposition est contraire à notre projet, qui prévoit un contrat de travail écrit. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

Autres avancées : la mensualisation et le bulletin de salaire, l'indemnisation chômage en cas de licenciement, et le maintien de la rémunération en cas d'absence de l'enfant, non justifiée par un certificat médical. Voilà qui rapprochera les conditions d'exercice de cette profession du droit commun du travail.

Pour susciter de nouvelles vocations, nous avons imposé la présence des assistants au sein des équipes pluridisciplinaires, celles qui jugent de l'agrément et participent aux contrôles des professionnels.

Mais il ne fallait pas que ces professionnels soient juge et partie. Ainsi, seuls les assistants maternels ou familiaux justifiant de dix ans d'expérience professionnelle mais qui n'exercent plus, et qui ont un dossier de validation des acquis de l'expérience ou réussi un examen, pourront participer au contrôle et à l'acceptation des candidats. En effet, seules ces personnes sont à même de contrôler en connaissance de cause la qualité du service.

Il fallait également donner aux familles des gages de sécurité quant à l'accueil des enfants. Une première protection consiste à s'assurer qu'aucun des majeurs habitant chez l'assistant maternel ou familial n'a fait l'objet d'une condamnation grave : le volet n° 3 du casier judiciaire est donc exigé pour chacun de ces majeurs. A partir du moment où l'on reconnaît que ces métiers exigent beaucoup d'attention et une certaine qualification, il est également normal d'exiger que les employés puissent disposer de onze heures de repos consécutives - ce n'est valable que pour les assistants maternels - et que, lorsqu'ils dépendent de plusieurs employeurs, ils puissent prendre leurs vacances quand ils le désirent. Enfin, pour assurer la personnalisation de l'accueil, les assistants maternels ne doivent pouvoir accueillir plus de trois enfants simultanément, et six en tout.

Ces règles cherchent à concilier l'édiction de normes avec la souplesse indispensable à l'exercice de ce métier. C'est la raison pour laquelle les présidents de conseils généraux pourront déroger à ces normes, en motivant leur décision. Ils pourront déroger de la même manière aux critères nationaux d'agrément, qui ont été fixés dans le souci d'éviter des disparités entre les départements, pour répondre à la situation propre de chaque département.

Je pourrais regretter d'avoir passé tant de temps à m'occuper d'un dossier qui paraissait si simple, mais ce fut une des plus belles aventures de ma vie. J'ai rencontré sur le terrain des gens admirables, j'ai combattu dans les assemblées générales avec des personnes dont le dévouement et la motivation méritent la plus grande reconnaissance. J'espère qu'elles pourront très vite bénéficier des décrets d'application qu'elles attendent depuis plus de dix ans.

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

 

M. le Président

Je voudrais saluer, dans les tribunes, les élèves d'une école de Wallis-et-Futuna de la circonscription de notre collègue Victor Brial. Au nom de Jean-Louis Debré, je leur dis Malolemaouli.

(Applaudissements)

 

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille

Je suis heureux de discuter ici de l'adoption définitive du projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux, que je sais combien votre assemblée a contribué à enrichir aux cours des différentes lectures. Je tiens à remercier tout particulièrement le président de la commission des affaires culturelles, Jean-Michel Dubernard, et son rapporteur, Mme Marland-Militello.

Le parcours législatif de ce texte très attendu, tant par les professionnels que par l'ensemble des acteurs de la petite enfance, a sans doute été trop long. C'est pourquoi j'ai souhaité que sa dernière lecture ait lieu très vite après la reprise des travaux du Parlement et je m'engage à ce que les décrets d'application soient pris très rapidement, avant la fin de l'année. Ils feront l'objet d'un très large concertation. Ce texte est également l'aboutissement d'un long travail d'élaboration et je tiens à remercier les nombreux acteurs qui y ont participé, notamment les organisations syndicales et professionnelles, l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France et la Caisse nationale d'allocations familiales.

Ce texte est un volet de la politique menée ces trois dernières années en faveur de la petite enfance. Le Gouvernement a également, par exemple, engagé une action ferme en faveur de l'accroissement du nombre des places en crèche. Le Premier ministre vient d'ailleurs d'annoncer la création de 15 000 places qui s'ajouteront aux 28 000 prévues par les plans lancés précédemment. Ce projet contribuera lui aussi au développement de l'offre d'accueil du jeune enfant. Il était essentiel de reconnaître et de valoriser les assistants maternels et les assistants familiaux. Ils exercent des métiers à part entière. C'est aujourd'hui le mode de garde préféré des familles, celui qui les rassure car il concile la qualité d'un accueil familial et la sécurité, une sécurité renforcée par le présent projet - notamment en ce qui concerne l'environnement des assistants maternels et le nombre maximal d'enfants susceptibles d'être accueillis - et garantie par une formation adaptée aux besoins des enfants. Il était donc juste d'apporter aux assistants maternels et familiaux la pleine reconnaissance qu'ils méritent, laquelle justifie qu'ils soient représentés dans les instances de contrôle.

En ce qui concerne les assistants maternels, la loi permettra d'améliorer la qualité du service. L'agrément prévu offre une garantie de sérieux et de sécurité, et la maîtrise orale de la langue française sera une des conditions de sa délivrance. Les exigences de formation sont également renforcées. Le nouveau cursus débouchera sur la première unité du certificat d'aptitude professionnelle « Petite enfance ». En outre, les assistants maternels devront suivre une formation aux gestes de premiers secours.

 

M. Georges Colombier

C'est important !

 

M. le Ministre délégué

Les conditions de travail des assistants maternels sont également améliorées, notamment en ce qui concerne le contrat de travail et les droits qui lui sont attachés, la rémunération, le temps de travail et les congés. Enfin, le fait que le chèque emploi-service universel soit ouvert à la garde d'enfant facilitera l'accès des familles à ce mode de garde. Ce chèque constituera à la fois un contrat de travail et un nouveau moyen de paiement, adapté au temps partiel. Il ne sera évidemment pas obligatoire, et utilisé seulement avec l'accord des assistants maternels.

Les assistants familiaux quant à eux, qui accueillent de façon permanente des enfants en difficulté, sont un des piliers du système de l'aide sociale à l'enfance. Le projet de loi tend à renforcer leur formation, qui aboutira à un diplôme. Leur statut sera également amélioré. La modification de la structure de leur rémunération permettra de rendre leur revenu moins dépendant du nombre d'enfants accueillis.

Le Gouvernement a cherché à construire un texte équilibré, propre à satisfaire à la fois les attentes des professionnels et les aspirations des parents. En améliorant le statut des assistants maternels et familiaux, nous contribuons à permettre aux parents de réaliser leur projet de vie : il est indispensable que leur activité professionnelle, à laquelle ils tiennent, ne soit pas un obstacle au nombre d'enfants qu'ils désirent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

 

Mme Corinne Marchal-Tarnus

Après de nombreux et enrichissants débats, nous allons aujourd'hui voter définitivement d'un projet annoncé depuis 2003 et très attendu par les professionnels comme par les familles. Nous étions tous conscients de la nécessité de moderniser le statut des assistants maternels et familiaux, de revaloriser et de professionnaliser ces métiers, tout en gardant la souplesse que requiert leur spécificité.

740 000 enfants de moins de 6 ans, dont 500 000 de moins de 3 ans, sont accueillis par environ 300 000 assistants maternels, soit plus du double qu'il y a dix ans : ce mode de garde est plébiscité par les parents. 65 000 enfants sont accueillis par 42 000 assistants familiaux. Ces professionnels assurent 55 % des hébergements des enfants séparés de leur famille.

Le texte final distingue bien les deux statuts : d'une part, les assistants maternels, qui accueillent de jeunes enfants à leur domicile et qui sont directement employés par la famille ; d'autre part, les assistants familiaux, qui sont salariés des collectivités territoriales et qui sont plus spécifiquement chargés de l'accueil permanent de mineurs ou de jeunes majeurs, dans le cadre de la protection de l'enfance.

Il assure une réelle reconnaissance de ces professions en instituant des formations qualifiantes aboutissant à l'obtention d'éléments du CAP petite enfance. Cette qualification ouvrira des perspectives pour d'éventuelles reconversions vers d'autres métiers de la petite enfance.

Le texte clarifie les relations avec les parents employeurs, qu'il s'agisse du contrat de travail, des horaires, des tarifications ou des obligations réciproques. La mensualisation assurera aux professionnels des revenus plus réguliers. Les deux assemblées ont renvoyé à la négociation collective la rémunération de l'assistant maternel en cas d'absence de l'enfant pour maladie. Pour la première fois, l'assistant maternel se trouve en droit de fixer la date de ses congés payés.

La souplesse de ce mode de garde reste garantie par la possibilité de négocier de gré à gré nombre de mentions du contrat.

Les attentes des familles concernant la qualité de l'accueil et la sécurité sont satisfaites par l'harmonisation, au niveau national, des critères d'agrément, par la formation désormais dispensée et par un contrôle régulier de l'activité professionnelle.

Plus de dix ans après la dernière réforme, ce projet consacre donc d'importantes avancées en termes de protection sociale, de droit du travail et de lutte contre la précarité. Heureusement, car il est grand temps de susciter des vocations. Le nombre d'agréments augmente en effet plus lentement que la demande et le besoin de garde d'enfants devient particulièrement crucial en milieu rural, où les collectivités territoriales n'ont pas les moyens de créer des structures collectives. Le choix que font de jeunes parents de s'installer en tel ou tel point du territoire dépend largement de l'assurance qu'ils ont ou non de pouvoir confier leur enfant à une assistante maternelle. Le développement de l'accueil des jeunes enfants est donc un élément clé d'un aménagement harmonieux du territoire et de la cohésion sociale.

La principale doléance des assistants maternels n'est pas financière. Tous ceux et toutes celles que nous avons rencontrés ont surtout insisté sur le « respect ». Ils veulent être reconnus comme de véritables professionnels, qui assument d'énormes responsabilités en termes de sécurité et d'éveil pédagogique.

Le groupe UMP se réjouit de l'esprit constructif qui a présidé à nos débats et votera bien évidemment ce projet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

 

 
M. Pierre-Christophe Baguet

Je vous souhaite à mon tour la bienvenue, Monsieur le ministre, et je salue votre maîtrise du sujet.

Ce projet répond à une forte attente des professionnels mais aussi des parents, et nous en approuvons les objectifs - reconnaissance des deux professions, redéfinition de l'agrément, amélioration des conditions de travail. Mme Marland-Militello ayant tout dit de son contenu, je n'insisterai que sur quelques points.

Un amendement permet désormais aux présidents de conseil général d'adapter les critères nationaux d'agrément pour répondre à des besoins locaux spécifiques. Je reste circonspect face à la formulation trop vague qui a été retenue : « à titre dérogatoire et par décision motivée ». Notre rôle de députés est de rédiger des lois qui s'imposent à l'ensemble de la nation, pas de prévoir dans la loi elle-même des dérogations, au surplus non détaillées. Le Conseil constitutionnel risque d'émettre des réserves.

Je regrette par ailleurs que le coût des nouvelles mesures n'ait pu être établi avec précision et que nous ne disposions pas d'une étude d'impact. Il est évident que de nouvelles charges vont peser sur les collectivités territoriales, du fait de l'allongement du temps de formation, des augmentations de salaires, des droits à congé et à la retraite, toutes mesures attendues et nécessaires, mais qui ont un coût. Je ne voudrais pas que la situation tendue des finances publiques soit un prétexte pour reporter le poids de nouvelles dépenses sur les collectivités. N'oublions pas que le travail féminin contribue puissamment à la croissance du pays et que développer l'offre de garde, c'est permettre aux mères de famille d'exercer une activité professionnelle, donc de participer à l'activité économique du pays.

Nous considérons ce texte comme la reconnaissance par la nation de la mission de service public exercée par les assistants maternels et familiaux, les premiers permettant la conciliation entre vie de famille et vie professionnelle, les seconds aidant les enfants en difficulté à retrouver un équilibre et à s'insérer dans la société.

Les décrets, Monsieur le ministre, seront aussi attendus que le fut ce projet. Nous vous faisons confiance pour les publier rapidement. Malgré les deux réserves que je viens d'énoncer, le groupe UDF votera ce projet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

 

M. Daniel Paul

Nous arrivons à la fin du long parcours législatif d'un projet qui nous a successivement été proposé par trois ministres et qui était attendu depuis longtemps tant par les parents que par les professionnels concernés.

Globalement, nous pourrions être satisfaits du travail accompli, car un certain équilibre a été trouvé entre l'intérêt des enfants, les besoins exprimés par les familles et la nécessaire amélioration du statut de ces professionnels.

Mais dès que l'on entre dans le détail, de nombreux manques apparaissent et des incertitudes demeurent, qui n'ont pas été levées en commission mixte paritaire.

Celle-ci a essentiellement rapproché les points de vue de nos assemblées sur trois points. D'abord en rétablissant l'interdiction d'accorder un agrément en cas de condamnation pour une infraction portant atteinte aux personnes. Le Président du conseil général conserve cependant la possibilité de refuser un agrément pour les autres infractions inscrites au bulletin n°3 du casier judiciaire s'il estime que ces faits peuvent représenter un danger pour l'enfant accueilli. Cette proposition va assurément dans le sens des intérêts de l'enfant.

En second lieu, les critères nationaux d'agrément pourront être adaptés, à titre dérogatoire, sur décision motivée des présidents de conseils généraux. J'aurais préféré pour ma part que l'on en restât à la définition de ces critères par décret en Conseil d'Etat, en prévoyant simplement une consultation des départements pour prendre en compte certains besoins locaux.

Enfin, la commission mixte paritaire a supprimé un dispositif peu satisfaisant, qui consistait en la mise à disposition par les mairies d'un local destiné à la garde des enfants pour permettre l'exercice de la profession d'assistant maternel hors de son domicile.

Ces trois points ne sont pas négligeables, mais les critiques que j'avais formulées sont toujours de mise. En effet, ce texte ne permettra pas une reconnaissance pleine et entière des métiers d'assistants maternels et familiaux. Il n'apporte toujours pas de réponse précise sur le niveau minimum des salaires, ni sur la réduction des inégalités de rémunération selon les départements.

Par ailleurs, le problème du financement reste entier, puisque de nombreuses mesures auront des incidences financières sur les parents employeurs et sur les conseils généraux, sans que ceux-ci soient en mesure de les quantifier. Quant aux compensations prévues par l'Etat, elles sont toujours du domaine virtuel.

Enfin, toujours rien sur les droits syndicaux, la protection sociale, les retraites et notamment la validation des périodes travaillées avant 1992.

Nous ne pouvons donc pas voter ce texte.

 

Mme Patricia Adam

La procédure parlementaire touche à son terme sur ce projet très attendu par les assistants maternels et familiaux, vraiment « attendu » puisqu'il a donné lieu à plus d'un an de débats, mais surtout à des reports successifs, qui traduisent le faible intérêt du Gouvernement pour ces professions, il est vrai essentiellement féminines et mal reconnues parce qu'encore peu qualifiées.

Je souhaite la bienvenue dans notre assemblée à M. le ministre de la famille, le quatrième depuis le début de nos travaux, à qui je voudrais faire part des demandes des familles et des professionnels de la petite enfance. Il s'agit d'abord du nombre de places disponibles : les parents veulent pouvoir trouver une réponse rapide à un besoin de garde. Il s'agit ensuite de la qualité de l'accueil : ils ont besoin de services publics compétents pour les aider dans leur démarche et leur proposer des personnes formées et de confiance. Ils souhaitent par ailleurs avoir le libre choix des structures les mieux adaptées à l'enfant, assistante maternelle, crèche ou autres structures. Se posent encore les problèmes de la solvabilisation des parents, grâce à l'application de quotients familiaux ou d'un crédit d'impôt ; d'organisation des temps de vie, alliant vie professionnelle et vie familiale ; le besoin d'un statut protecteur pour les professionnels et les parents employeurs, ainsi que pour les collectivités employeuses, et l'exigence de professionnalisation des salariés. La vie professionnelle et personnelle de millions de femmes françaises en dépend, ainsi que l'accès à l'égalité des chances, tant promue par votre ancienne ministre Mme Ameline - il est vrai que cette fonction a disparu, et les femmes ne l'oublieront pas...

A l'heure de la mobilisation pour l'emploi, voilà un levier qu'il ne faut pas négliger et que nous aurions aimé voir plus défendu et mis en perspective - notamment pour les femmes en situation de monoparentalité qui cumulent souvent temps partiel non choisi et précarité du travail.

Le législateur avait la mission délicate de concilier des attentes nombreuses et parfois contradictoires. Je crains que nous n'y soyons pas parvenus avec ce projet. On peine à discerner le sens politique de votre démarche, en raison du renvoi à de trop nombreux décrets, mais aussi parce que le travail des assemblées, trop dilué dans le temps, a divergé très sensiblement. Cela résulte aussi du fait que la négociation paritaire concernant les assistants maternels du particulier employeur a été avalisée par le ministère du travail avant même que le cadre de la loi ne soit fixé : c'est une source de confusion dont nous nous serions bien passés. L'accompagnement des parents dans leurs nouvelles responsabilités d'employeurs, soumis au droit commun du travail sur bien des points de cette convention collective, n'a pas été prévu, et je regrette que certaines avancées pour les professionnels ne créent des complications pour les familles.

Je me félicite en revanche que la disposition introduite en seconde lecture par l'amendement de M. Bédier ait été abandonnée par la CMP, tant les syndicats d'assistants maternels avaient été choqués par cette mesure. L'exercice de la profession d'assistant maternel hors du domicile est concevable, mais il aurait fallu conduire très en amont un travail approfondi sur ce sujet avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales compétentes. Si ce travail préalable d'écoute des besoins avait été fait, jamais cet amendement n'aurait été déposé et voté à l'arraché par votre majorité.

D'autre part le projet n'aborde que de manière elliptique le statut des dizaines de milliers de professionnels employés par des personnes morales de droit public, et se focalise presque uniquement sur le cas des professionnels employés par des associations de droit privé ou des particuliers. Les agents non titulaires des collectivités locales, non plus que les assistants familiaux, réduits à la portion congrue, ne trouvent de réponses dans ce texte. Le statut de ce qui est aujourd'hui un vrai métier de la protection de l'enfance mérite d'être rattaché plus étroitement à la fonction publique territoriale. Si l'intégration immédiate semble difficile, des passerelles peuvent être aménagées pour esquisser une notion de carrière de l'assistant familial. Au lieu de quoi le texte ne fait souvent qu'entériner les pratiques existantes dans les départements, et s'en tient parfois à des avantages inférieurs à ceux qui sont déjà accordés dans certains d'entre eux. A l'heure où nous examinons le projet de loi sur les services à la personne, et connaissant les besoins en personnel qualifié dans ce domaine, il aurait été plus cohérent de concevoir ces évolutions pour permettre les déroulements de carrière. Les départements et les associations de protection de l'enfance en sont conscients, mais n'ont pas été consultés.

En terme de statuts professionnels, pour combler le déficit de reconnaissance dont souffrent ces deux professions, il aurait mieux valu examiner deux textes distincts, afin de mieux appréhender les conditions d'exercice des professions d'assistants maternels et familiaux, ainsi que le rôle de leurs employeurs.

Tout au long des débats, nous nous sommes efforcés de mettre l'accent sur les enjeux essentiels : formation diplômante et critères nationaux pour la professionnalisation ; protection des salariés et rapprochement du droit commun du travail ; accompagnement des parents ; reconnaissance du rôle des collectivités locales et compensation des charges nouvelles aux départements. Nous serons très vigilants, Monsieur le ministre, sur la question de la compensation de vos mesures, dont je rappelle qu'elles ne sont toujours pas budgétées, ainsi que sur l'application de cette loi qui ne manquera pas de soulever de nombreux problèmes pratiques dans les territoires.

Enfin, l'adoption dans ce texte d'un dispositif de compensation par l'Etat des charges nouvelles des collectivités locales n'a été obtenue que sous la pression des parlementaires de l'opposition, rejoints par une partie des sénateurs de votre majorité, malgré l'hostilité de votre prédécesseur à cet amendement. Cet épisode n'est pas de nature à restaurer la confiance indispensable entre l'Etat, les collectivités locales et les professionnels de la petite enfance, et il ne contribue guère à rendre crédible une démarche censée aboutir aujourd'hui à l'adoption d'un texte définitif.

Si nous avons été entendus sur certains points, le texte souffre toujours de nombreux manques ; il reflète malheureusement une méconnaissance flagrante du sujet par les trois ministres successifs et leurs cabinets. Nos attentes, comme celles des professionnels, sont déçues. Selon nous, ce projet n'est que la première pierre d'un chantier qui n'a toujours pas de fondations solides. Nous espérons poursuivre ce travail dans quelque temps sur de nouvelles bases, répondant aux aspirations réelles et nombreuses des professionnels, des jeunes générations de parents et des collectivités locales. Aussi le groupe socialiste votera contre ce projet.

 

La discussion générale est close.

 

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire,
mis aux voix, est adopté.

 

 

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