M. le Président
J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation
de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux assistants
maternels et aux assistants familiaux.
En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.
Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure de la CMP
Nous nous acheminons enfin vers le vote définitif de ce projet, la
succession des ministres et le calendrier parlementaire ne nous ayant pas
permis de l'adopter plus tôt. Je commencerai donc par une supplication, en
saluant d'abord votre arrivée au Gouvernement, Monsieur le ministre délégué,
vous qui êtes un spécialiste des problèmes sociaux. Entendez-vous publier
rapidement les décrets d'application de la future loi ? Ce faisant, je ne
suis que l'interprète des parents, des présidents de conseils généraux et
des assistantes maternelles et sociales. Si nous tenons à ce que ce projet
entre en vigueur le plus rapidement possible, c'est qu'il comporte de
réelles avancées, qui bénéficieront aussi bien aux familles qu'aux
professionnels. Il réalise un précieux équilibre entre requalification d'une
profession et sécurité des parents, garantissant une qualité d'accueil sans
pareil.
Cette profession, on le sait, a été pendant très longtemps sinon ignorée,
du moins sous évaluée. Pour la première fois, la loi consacre l'existence de
deux professions définies de façon bien distincte, exerçant toutes deux une
mission de service public. Les assistants maternels non permanents
accueillent des jeunes enfants confiés par leurs parents, et qui regagnent
le domicile familial le soir, tandis que les assistants familiaux s'occupent
des enfants en grande difficulté qui leur sont confiés par les services
sociaux départementaux.
Le projet consacre deux grandes avancées en matière de formation, aussi
bien initiale que continue, qui distingueront ces modes de garde des autres.
Non seulement, il doublera le nombre d'heures de formation - 120 pour les
assistants maternels et 240 pour les assistants familiaux plus 60 heures de
stage -, mais il prévoit également la formation initiale entre l'agrément et
le premier engagement, ce qui est un gage de qualité d'accueil des enfants.
Une telle formation permettra aux assistants maternels et familiaux
d'exercer ultérieurement d'autres métiers de leur secteur d'activité, en
bénéficiant des acquis de l'expérience. Après trois années d'exercice, ils
pourront présenter des dossiers de validation des acquis de l'expérience,
et, à l'issue des 120 heures de formation proposées, passer l'examen du
premier module du CAP petite enfance qui leur permettra de postuler aux
postes des services sociaux départementaux et communaux. De telles avancées
susciteront, à n'en pas douter, des vocations auprès des jeunes.
D'autre part, la formation aux gestes de premier secours permettra de
rassurer les familles, cependant que l'obligation de passer un entretien en
français pour obtenir le premier agrément améliorera la qualité de l'accueil
de l'enfant.
Dans ces conditions, il devenait normal de garantir une plus grande
sécurité contractuelle. Ce seront donc désormais des contrats de travail qui
lieront les assistants à leur employeur. A ce sujet, Monsieur le ministre
délégué, vous savez que le projet relatif au développement des services à la
personne prévoit que les parents pourront rémunérer les assistants avec des
chèques emplois-service. Une telle disposition est contraire à notre projet,
qui prévoit un contrat de travail écrit. Pouvez-vous nous rassurer sur ce
point ?
Autres avancées : la mensualisation et le bulletin de salaire,
l'indemnisation chômage en cas de licenciement, et le maintien de la
rémunération en cas d'absence de l'enfant, non justifiée par un certificat
médical. Voilà qui rapprochera les conditions d'exercice de cette profession
du droit commun du travail.
Pour susciter de nouvelles vocations, nous avons imposé la présence des
assistants au sein des équipes pluridisciplinaires, celles qui jugent de
l'agrément et participent aux contrôles des professionnels.
Mais il ne fallait pas que ces professionnels soient juge et partie.
Ainsi, seuls les assistants maternels ou familiaux justifiant de dix ans
d'expérience professionnelle mais qui n'exercent plus, et qui ont un dossier
de validation des acquis de l'expérience ou réussi un examen, pourront
participer au contrôle et à l'acceptation des candidats. En effet, seules
ces personnes sont à même de contrôler en connaissance de cause la qualité
du service.
Il fallait également donner aux familles des gages de sécurité quant à
l'accueil des enfants. Une première protection consiste à s'assurer qu'aucun
des majeurs habitant chez l'assistant maternel ou familial n'a fait l'objet
d'une condamnation grave : le volet n° 3 du casier judiciaire est donc exigé
pour chacun de ces majeurs. A partir du moment où l'on reconnaît que ces
métiers exigent beaucoup d'attention et une certaine qualification, il est
également normal d'exiger que les employés puissent disposer de onze heures
de repos consécutives - ce n'est valable que pour les assistants maternels -
et que, lorsqu'ils dépendent de plusieurs employeurs, ils puissent prendre
leurs vacances quand ils le désirent. Enfin, pour assurer la
personnalisation de l'accueil, les assistants maternels ne doivent pouvoir
accueillir plus de trois enfants simultanément, et six en tout.
Ces règles cherchent à concilier l'édiction de normes avec la souplesse
indispensable à l'exercice de ce métier. C'est la raison pour laquelle les
présidents de conseils généraux pourront déroger à ces normes, en motivant
leur décision. Ils pourront déroger de la même manière aux critères
nationaux d'agrément, qui ont été fixés dans le souci d'éviter des
disparités entre les départements, pour répondre à la situation propre de
chaque département.
Je pourrais regretter d'avoir passé tant de temps à m'occuper d'un
dossier qui paraissait si simple, mais ce fut une des plus belles aventures
de ma vie. J'ai rencontré sur le terrain des gens admirables, j'ai combattu
dans les assemblées générales avec des personnes dont le dévouement et la
motivation méritent la plus grande reconnaissance. J'espère qu'elles
pourront très vite bénéficier des décrets d'application qu'elles attendent
depuis plus de dix ans.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).
M. le Président
Je voudrais saluer, dans les tribunes, les élèves d'une école de
Wallis-et-Futuna de la circonscription de notre collègue Victor Brial. Au
nom de Jean-Louis Debré, je leur dis Malolemaouli.
(Applaudissements)
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes
âgées, aux personnes handicapées et à la famille
Je suis heureux de discuter ici de l'adoption définitive du projet de loi
relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux, que je sais
combien votre assemblée a contribué à enrichir aux cours des différentes
lectures. Je tiens à remercier tout particulièrement le président de la
commission des affaires culturelles, Jean-Michel Dubernard, et son
rapporteur, Mme Marland-Militello.
Le parcours législatif de ce texte très attendu, tant par les
professionnels que par l'ensemble des acteurs de la petite enfance, a sans
doute été trop long. C'est pourquoi j'ai souhaité que sa dernière lecture
ait lieu très vite après la reprise des travaux du Parlement et je m'engage
à ce que les décrets d'application soient pris très rapidement, avant la fin
de l'année. Ils feront l'objet d'un très large concertation. Ce texte est
également l'aboutissement d'un long travail d'élaboration et je tiens à
remercier les nombreux acteurs qui y ont participé, notamment les
organisations syndicales et professionnelles, l'Assemblée des départements
de France, l'Association des maires de France et la Caisse nationale
d'allocations familiales.
Ce texte est un volet de la politique menée ces trois dernières années en
faveur de la petite enfance. Le Gouvernement a également, par exemple,
engagé une action ferme en faveur de l'accroissement du nombre des places en
crèche. Le Premier ministre vient d'ailleurs d'annoncer la création de 15
000 places qui s'ajouteront aux 28 000 prévues par les plans lancés
précédemment. Ce projet contribuera lui aussi au développement de l'offre
d'accueil du jeune enfant. Il était essentiel de reconnaître et de valoriser
les assistants maternels et les assistants familiaux. Ils exercent des
métiers à part entière. C'est aujourd'hui le mode de garde préféré des
familles, celui qui les rassure car il concile la qualité d'un accueil
familial et la sécurité, une sécurité renforcée par le présent projet -
notamment en ce qui concerne l'environnement des assistants maternels et le
nombre maximal d'enfants susceptibles d'être accueillis - et garantie par
une formation adaptée aux besoins des enfants. Il était donc juste
d'apporter aux assistants maternels et familiaux la pleine reconnaissance
qu'ils méritent, laquelle justifie qu'ils soient représentés dans les
instances de contrôle.
En ce qui concerne les assistants maternels, la loi permettra d'améliorer
la qualité du service. L'agrément prévu offre une garantie de sérieux et de
sécurité, et la maîtrise orale de la langue française sera une des
conditions de sa délivrance. Les exigences de formation sont également
renforcées. Le nouveau cursus débouchera sur la première unité du certificat
d'aptitude professionnelle « Petite enfance ». En outre, les assistants
maternels devront suivre une formation aux gestes de premiers secours.
M. Georges Colombier
C'est important !
M. le Ministre délégué
Les conditions de travail des assistants maternels sont également
améliorées, notamment en ce qui concerne le contrat de travail et les droits
qui lui sont attachés, la rémunération, le temps de travail et les congés.
Enfin, le fait que le chèque emploi-service universel soit ouvert à la garde
d'enfant facilitera l'accès des familles à ce mode de garde. Ce chèque
constituera à la fois un contrat de travail et un nouveau moyen de paiement,
adapté au temps partiel. Il ne sera évidemment pas obligatoire, et utilisé
seulement avec l'accord des assistants maternels.
Les assistants familiaux quant à eux, qui accueillent de façon permanente
des enfants en difficulté, sont un des piliers du système de l'aide sociale
à l'enfance. Le projet de loi tend à renforcer leur formation, qui aboutira
à un diplôme. Leur statut sera également amélioré. La modification de la
structure de leur rémunération permettra de rendre leur revenu moins
dépendant du nombre d'enfants accueillis.
Le Gouvernement a cherché à construire un texte équilibré, propre à
satisfaire à la fois les attentes des professionnels et les aspirations des
parents. En améliorant le statut des assistants maternels et familiaux, nous
contribuons à permettre aux parents de réaliser leur projet de vie : il est
indispensable que leur activité professionnelle, à laquelle ils tiennent, ne
soit pas un obstacle au nombre d'enfants qu'ils désirent.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)
Mme Corinne Marchal-Tarnus
Après de nombreux et enrichissants débats, nous allons aujourd'hui voter
définitivement d'un projet annoncé depuis 2003 et très attendu par les
professionnels comme par les familles. Nous étions tous conscients de la
nécessité de moderniser le statut des assistants maternels et familiaux, de
revaloriser et de professionnaliser ces métiers, tout en gardant la
souplesse que requiert leur spécificité.
740 000 enfants de moins de 6 ans, dont 500 000 de moins de 3 ans, sont
accueillis par environ 300 000 assistants maternels, soit plus du double
qu'il y a dix ans : ce mode de garde est plébiscité par les parents. 65 000
enfants sont accueillis par 42 000 assistants familiaux. Ces professionnels
assurent 55 % des hébergements des enfants séparés de leur famille.
Le texte final distingue bien les deux statuts : d'une part, les
assistants maternels, qui accueillent de jeunes enfants à leur domicile et
qui sont directement employés par la famille ; d'autre part, les assistants
familiaux, qui sont salariés des collectivités territoriales et qui sont
plus spécifiquement chargés de l'accueil permanent de mineurs ou de jeunes
majeurs, dans le cadre de la protection de l'enfance.
Il assure une réelle reconnaissance de ces professions en instituant des
formations qualifiantes aboutissant à l'obtention d'éléments du CAP petite
enfance. Cette qualification ouvrira des perspectives pour d'éventuelles
reconversions vers d'autres métiers de la petite enfance.
Le texte clarifie les relations avec les parents employeurs, qu'il
s'agisse du contrat de travail, des horaires, des tarifications ou des
obligations réciproques. La mensualisation assurera aux professionnels des
revenus plus réguliers. Les deux assemblées ont renvoyé à la négociation
collective la rémunération de l'assistant maternel en cas d'absence de
l'enfant pour maladie. Pour la première fois, l'assistant maternel se trouve
en droit de fixer la date de ses congés payés.
La souplesse de ce mode de garde reste garantie par la possibilité de
négocier de gré à gré nombre de mentions du contrat.
Les attentes des familles concernant la qualité de l'accueil et la
sécurité sont satisfaites par l'harmonisation, au niveau national, des
critères d'agrément, par la formation désormais dispensée et par un contrôle
régulier de l'activité professionnelle.
Plus de dix ans après la dernière réforme, ce projet consacre donc
d'importantes avancées en termes de protection sociale, de droit du travail
et de lutte contre la précarité. Heureusement, car il est grand temps de
susciter des vocations. Le nombre d'agréments augmente en effet plus
lentement que la demande et le besoin de garde d'enfants devient
particulièrement crucial en milieu rural, où les collectivités territoriales
n'ont pas les moyens de créer des structures collectives. Le choix que font
de jeunes parents de s'installer en tel ou tel point du territoire dépend
largement de l'assurance qu'ils ont ou non de pouvoir confier leur enfant à
une assistante maternelle. Le développement de l'accueil des jeunes enfants
est donc un élément clé d'un aménagement harmonieux du territoire et de la
cohésion sociale.
La principale doléance des assistants maternels n'est pas financière.
Tous ceux et toutes celles que nous avons rencontrés ont surtout insisté sur
le « respect ». Ils veulent être reconnus comme de véritables
professionnels, qui assument d'énormes responsabilités en termes de sécurité
et d'éveil pédagogique.
Le groupe UMP se réjouit de l'esprit constructif qui a présidé à nos
débats et votera bien évidemment ce projet.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Pierre-Christophe Baguet
Je vous souhaite à mon tour la bienvenue, Monsieur le ministre, et je
salue votre maîtrise du sujet.
Ce projet répond à une forte attente des professionnels mais aussi des
parents, et nous en approuvons les objectifs - reconnaissance des deux
professions, redéfinition de l'agrément, amélioration des conditions de
travail. Mme Marland-Militello ayant tout dit de son contenu, je
n'insisterai que sur quelques points.
Un amendement permet désormais aux présidents de conseil général
d'adapter les critères nationaux d'agrément pour répondre à des besoins
locaux spécifiques. Je reste circonspect face à la formulation trop vague
qui a été retenue : « à titre dérogatoire et par décision motivée ». Notre
rôle de députés est de rédiger des lois qui s'imposent à l'ensemble de la
nation, pas de prévoir dans la loi elle-même des dérogations, au surplus non
détaillées. Le Conseil constitutionnel risque d'émettre des réserves.
Je regrette par ailleurs que le coût des nouvelles mesures n'ait pu être
établi avec précision et que nous ne disposions pas d'une étude d'impact. Il
est évident que de nouvelles charges vont peser sur les collectivités
territoriales, du fait de l'allongement du temps de formation, des
augmentations de salaires, des droits à congé et à la retraite, toutes
mesures attendues et nécessaires, mais qui ont un coût. Je ne voudrais pas
que la situation tendue des finances publiques soit un prétexte pour
reporter le poids de nouvelles dépenses sur les collectivités. N'oublions
pas que le travail féminin contribue puissamment à la croissance du pays et
que développer l'offre de garde, c'est permettre aux mères de famille
d'exercer une activité professionnelle, donc de participer à l'activité
économique du pays.
Nous considérons ce texte comme la reconnaissance par la nation de la
mission de service public exercée par les assistants maternels et familiaux,
les premiers permettant la conciliation entre vie de famille et vie
professionnelle, les seconds aidant les enfants en difficulté à retrouver un
équilibre et à s'insérer dans la société.
Les décrets, Monsieur le ministre, seront aussi attendus que le fut ce
projet. Nous vous faisons confiance pour les publier rapidement. Malgré les
deux réserves que je viens d'énoncer, le groupe UDF votera ce projet.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Daniel Paul
Nous arrivons à la fin du long parcours législatif d'un projet qui nous a
successivement été proposé par trois ministres et qui était attendu depuis
longtemps tant par les parents que par les professionnels concernés.
Globalement, nous pourrions être satisfaits du travail accompli, car un
certain équilibre a été trouvé entre l'intérêt des enfants, les besoins
exprimés par les familles et la nécessaire amélioration du statut de ces
professionnels.
Mais dès que l'on entre dans le détail, de nombreux manques apparaissent
et des incertitudes demeurent, qui n'ont pas été levées en commission mixte
paritaire.
Celle-ci a essentiellement rapproché les points de vue de nos assemblées
sur trois points. D'abord en rétablissant l'interdiction d'accorder un
agrément en cas de condamnation pour une infraction portant atteinte aux
personnes. Le Président du conseil général conserve cependant la possibilité
de refuser un agrément pour les autres infractions inscrites au bulletin n°3
du casier judiciaire s'il estime que ces faits peuvent représenter un danger
pour l'enfant accueilli. Cette proposition va assurément dans le sens des
intérêts de l'enfant.
En second lieu, les critères nationaux d'agrément pourront être adaptés,
à titre dérogatoire, sur décision motivée des présidents de conseils
généraux. J'aurais préféré pour ma part que l'on en restât à la définition
de ces critères par décret en Conseil d'Etat, en prévoyant simplement une
consultation des départements pour prendre en compte certains besoins
locaux.
Enfin, la commission mixte paritaire a supprimé un dispositif peu
satisfaisant, qui consistait en la mise à disposition par les mairies d'un
local destiné à la garde des enfants pour permettre l'exercice de la
profession d'assistant maternel hors de son domicile.
Ces trois points ne sont pas négligeables, mais les critiques que j'avais
formulées sont toujours de mise. En effet, ce texte ne permettra pas une
reconnaissance pleine et entière des métiers d'assistants maternels et
familiaux. Il n'apporte toujours pas de réponse précise sur le niveau
minimum des salaires, ni sur la réduction des inégalités de rémunération
selon les départements.
Par ailleurs, le problème du financement reste entier, puisque de
nombreuses mesures auront des incidences financières sur les parents
employeurs et sur les conseils généraux, sans que ceux-ci soient en mesure
de les quantifier. Quant aux compensations prévues par l'Etat, elles sont
toujours du domaine virtuel.
Enfin, toujours rien sur les droits syndicaux, la protection sociale, les
retraites et notamment la validation des périodes travaillées avant 1992.
Nous ne pouvons donc pas voter ce texte.
Mme Patricia Adam
La procédure parlementaire touche à son terme sur ce projet très attendu
par les assistants maternels et familiaux, vraiment « attendu » puisqu'il a
donné lieu à plus d'un an de débats, mais surtout à des reports successifs,
qui traduisent le faible intérêt du Gouvernement pour ces professions, il
est vrai essentiellement féminines et mal reconnues parce qu'encore peu
qualifiées.
Je souhaite la bienvenue dans notre assemblée à M. le ministre de la
famille, le quatrième depuis le début de nos travaux, à qui je voudrais
faire part des demandes des familles et des professionnels de la petite
enfance. Il s'agit d'abord du nombre de places disponibles : les parents
veulent pouvoir trouver une réponse rapide à un besoin de garde. Il s'agit
ensuite de la qualité de l'accueil : ils ont besoin de services publics
compétents pour les aider dans leur démarche et leur proposer des personnes
formées et de confiance. Ils souhaitent par ailleurs avoir le libre choix
des structures les mieux adaptées à l'enfant, assistante maternelle, crèche
ou autres structures. Se posent encore les problèmes de la solvabilisation
des parents, grâce à l'application de quotients familiaux ou d'un crédit
d'impôt ; d'organisation des temps de vie, alliant vie professionnelle et
vie familiale ; le besoin d'un statut protecteur pour les professionnels et
les parents employeurs, ainsi que pour les collectivités employeuses, et
l'exigence de professionnalisation des salariés. La vie professionnelle et
personnelle de millions de femmes françaises en dépend, ainsi que l'accès à
l'égalité des chances, tant promue par votre ancienne ministre Mme Ameline -
il est vrai que cette fonction a disparu, et les femmes ne l'oublieront
pas...
A l'heure de la mobilisation pour l'emploi, voilà un levier qu'il ne faut
pas négliger et que nous aurions aimé voir plus défendu et mis en
perspective - notamment pour les femmes en situation de monoparentalité qui
cumulent souvent temps partiel non choisi et précarité du travail.
Le législateur avait la mission délicate de concilier des attentes
nombreuses et parfois contradictoires. Je crains que nous n'y soyons pas
parvenus avec ce projet. On peine à discerner le sens politique de votre
démarche, en raison du renvoi à de trop nombreux décrets, mais aussi parce
que le travail des assemblées, trop dilué dans le temps, a divergé très
sensiblement. Cela résulte aussi du fait que la négociation paritaire
concernant les assistants maternels du particulier employeur a été avalisée
par le ministère du travail avant même que le cadre de la loi ne soit fixé :
c'est une source de confusion dont nous nous serions bien passés.
L'accompagnement des parents dans leurs nouvelles responsabilités
d'employeurs, soumis au droit commun du travail sur bien des points de cette
convention collective, n'a pas été prévu, et je regrette que certaines
avancées pour les professionnels ne créent des complications pour les
familles.
Je me félicite en revanche que la disposition introduite en seconde
lecture par l'amendement de M. Bédier ait été abandonnée par la CMP, tant
les syndicats d'assistants maternels avaient été choqués par cette mesure.
L'exercice de la profession d'assistant maternel hors du domicile est
concevable, mais il aurait fallu conduire très en amont un travail
approfondi sur ce sujet avec les partenaires sociaux et les collectivités
territoriales compétentes. Si ce travail préalable d'écoute des besoins
avait été fait, jamais cet amendement n'aurait été déposé et voté à
l'arraché par votre majorité.
D'autre part le projet n'aborde que de manière elliptique le statut des
dizaines de milliers de professionnels employés par des personnes morales de
droit public, et se focalise presque uniquement sur le cas des
professionnels employés par des associations de droit privé ou des
particuliers. Les agents non titulaires des collectivités locales, non plus
que les assistants familiaux, réduits à la portion congrue, ne trouvent de
réponses dans ce texte. Le statut de ce qui est aujourd'hui un vrai métier
de la protection de l'enfance mérite d'être rattaché plus étroitement à la
fonction publique territoriale. Si l'intégration immédiate semble difficile,
des passerelles peuvent être aménagées pour esquisser une notion de carrière
de l'assistant familial. Au lieu de quoi le texte ne fait souvent
qu'entériner les pratiques existantes dans les départements, et s'en tient
parfois à des avantages inférieurs à ceux qui sont déjà accordés dans
certains d'entre eux. A l'heure où nous examinons le projet de loi sur les
services à la personne, et connaissant les besoins en personnel qualifié
dans ce domaine, il aurait été plus cohérent de concevoir ces évolutions
pour permettre les déroulements de carrière. Les départements et les
associations de protection de l'enfance en sont conscients, mais n'ont pas
été consultés.
En terme de statuts professionnels, pour combler le déficit de
reconnaissance dont souffrent ces deux professions, il aurait mieux valu
examiner deux textes distincts, afin de mieux appréhender les conditions
d'exercice des professions d'assistants maternels et familiaux, ainsi que le
rôle de leurs employeurs.
Tout au long des débats, nous nous sommes efforcés de mettre l'accent sur
les enjeux essentiels : formation diplômante et critères nationaux pour la
professionnalisation ; protection des salariés et rapprochement du droit
commun du travail ; accompagnement des parents ; reconnaissance du rôle des
collectivités locales et compensation des charges nouvelles aux
départements. Nous serons très vigilants, Monsieur le ministre, sur la
question de la compensation de vos mesures, dont je rappelle qu'elles ne
sont toujours pas budgétées, ainsi que sur l'application de cette loi qui ne
manquera pas de soulever de nombreux problèmes pratiques dans les
territoires.
Enfin, l'adoption dans ce texte d'un dispositif de compensation par l'Etat
des charges nouvelles des collectivités locales n'a été obtenue que sous la
pression des parlementaires de l'opposition, rejoints par une partie des
sénateurs de votre majorité, malgré l'hostilité de votre prédécesseur à cet
amendement. Cet épisode n'est pas de nature à restaurer la confiance
indispensable entre l'Etat, les collectivités locales et les professionnels
de la petite enfance, et il ne contribue guère à rendre crédible une
démarche censée aboutir aujourd'hui à l'adoption d'un texte définitif.
Si nous avons été entendus sur certains points, le texte souffre toujours
de nombreux manques ; il reflète malheureusement une méconnaissance
flagrante du sujet par les trois ministres successifs et leurs cabinets. Nos
attentes, comme celles des professionnels, sont déçues. Selon nous, ce
projet n'est que la première pierre d'un chantier qui n'a toujours pas de
fondations solides. Nous espérons poursuivre ce travail dans quelque temps
sur de nouvelles bases, répondant aux aspirations réelles et nombreuses des
professionnels, des jeunes générations de parents et des collectivités
locales. Aussi le groupe socialiste votera contre ce projet.
La discussion générale est close.
L'ensemble du projet de loi, compte tenu
du texte de la commission mixte paritaire,
mis aux voix, est adopté.
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