La commission a procédé à l'audition de Mme Nicole
Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la Caisse Nationale d'Allocations
Familiales (CNAF) sur le projet de loi n° 201 relatif aux assistants
maternels et aux assistants familiaux.
A titre liminaire, Mme Nicole Prud'homme a plaidé
l'urgence de revaloriser les métiers de service à la personne, en particulier dans le
domaine de la petite enfance. Elle a estimé que la pénurie de professionnels formés à
ces métiers neutralisait une grande partie des efforts consentis par la collectivité en
matière de création de places de crèche et conduisait à une surenchère en termes de
coût de prise en charge, tant pour les parents que pour les pouvoirs publics. C'est la
raison pour laquelle elle a insisté pour que les conseils généraux mettent rapidement
en place la commission départementale de la petite enfance, de façon à améliorer le
recensement des besoins et la planification des créations de places.
M. Nicolas About, président, a déploré la
rigidité des normes encadrant l'agrément et le fonctionnement des crèches communales.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a plaidé pour
une simplification des barèmes qui régissent la contribution des familles. Il a par
ailleurs reconnu la faible valorisation des filières sanitaires et sociales auprès des
jeunes. Il a enfin fait valoir la nécessité de diversifier les modes de garde et s'est
félicité que le projet de loi aille dans ce sens.
M. Guy Fischer a observé que les communes hésitaient
à s'engager dans le lourd investissement que constitue la création d'une crèche, en
raison des coûts de fonctionnement au berceau. Il s'est interrogé sur le taux de prise
en charge par la branche famille du fonctionnement d'une place de crèche. Il a regretté
le caractère inadapté du fonctionnement des crèches aux besoins des familles, notamment
en terme d'amplitude des horaires d'accueil. Il s'est enfin inquiété des conséquences
de la régionalisation des formations sociales et médico-sociales, prévue par le projet
de loi relatif aux responsabilités locales, dans le domaine de l'accueil de la petite
enfance.
M. Jean Chérioux a déploré le manque de souplesse
qui régit la création et le fonctionnement des crèches, tant en matière de normes que
de barème de prise en charge ou de financement.
Répondant à l'ensemble des intervenants, Mme Nicole
Prud'homme a d'abord constaté que la formation des professionnels de la petite
enfance ne relevait pas, à l'heure actuelle, du ministère de l'éducation nationale et
qu'elle était assurée, dans une large mesure par des associations ou des fondations,
pour un coût extrêmement élevé. Elle s'est également prononcée en faveur de la
diversification des modes de garde. A cet égard, elle a rappelé que la prestation
d'accueil du jeune enfant (PAJE), mise en place par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2004, offrait aux parents le libre choix de celui-ci. S'agissant du barème
régissant la contribution des parents au financement de la garde, elle a concédé que le
décret paru en août 2000 devrait vraisemblablement être assoupli.
Revenant enfin sur la question de la contribution financière de la
CNAF à l'effort de construction de crèches, elle a rappelé que la branche famille
disposait à cet effet du fonds national d'action sociale (FNAS) et qu'elle comptait sur
un renforcement des moyens de celui-ci dans le cadre du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2005.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a souhaité
connaître l'avis du conseil d'administration de la CNAF sur les trois orientations
fondamentales du projet de loi : la distinction entre assistants maternels et
assistants familiaux, l'obligation de formation imposée à ces professionnels et
l'extension, à leur intention, des règles de droit commun issues du code du travail.
Mme Nicole Prud'homme a indiqué que la CNAF était
globalement favorable aux évolutions apportées par le projet de loi. Elle a estimé
qu'un véritable statut des assistants maternels et familiaux était nécessaire, a
fortiori au vu de leurs effectifs qui en font la deuxième profession en France, après
les enseignants.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, s'est interrogé
sur la proportion d'enfants de moins de trois ans gardés par un assistant maternel à son
domicile ou en crèche familiale, ainsi que sur le coût de ce mode de garde pour les
familles. Il a également voulu savoir le nombre et le revenu moyen des professionnels
actuellement agréés.
Mme Nicole Prud'homme a indiqué qu'en 2002, 20 %
des 2,3 millions d'enfants de moins de trois ans, soit 467 000 enfants, étaient
gardés au domicile d'une assistante maternelle agréée et 2,5 %, soit 57 000
enfants, en crèche familiale. Elle a précisé que le coût moyen pour les parents de ce
mode de garde variait de 81 à 356 euros par mois en crèche familiale et de 260 à
281 euros par mois pour une assistante maternelle directement employée par les parents.
S'agissant du nombre de professionnels agréés, elle a fait état d'un
chiffre de 424 100 assistants maternels, répartis de la façon suivante :
343 100, soit 81 % d'entre eux, gardent des enfants à la journée, 46 300
(soit 11 %) les accueillent à titre permanent, 25 600 (soit 6 %) exercent
en crèche familiale et 9 100 (soit 2 %) ont une activité mixte. La capacité
d'accueil théorique de ces professionnels serait de 686 000 enfants, soit en moyenne
deux enfants par assistant maternel.
Elle a enfin indiqué que le salaire mensuel moyen net déclaré par
les assistants maternels s'élevait à 542 euros, le salaire médian s'établissant autour
de 488 euros, avec des écarts salariaux importants : 22 % déclarent un salaire
inférieur à 300 euros et 15 % un salaire supérieur à 900 euros. Elle a toutefois
déclaré que ces chiffres devaient être maniés avec précaution, dans la mesure où ils
ne permettaient pas de mettre en rapport le salaire déclaré et le nombre d'heures
travaillées.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a observé que la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 avait prévu un budget de 10
millions d'euros, à la charge de la branche famille, pour financer des actions de
formation professionnelle continue. Il a donc souhaité connaître la situation actuelle
des assistants maternels au regard de la formation continue et le champ des professionnels
concernés par les actions de formations prévues au budget de la branche famille. Il a
également demandé des précisions quant aux autres financeurs de la formation continue
de ces professionnels et aux structures dispensant les formations.
Mme Nicole Prud'homme a rappelé que seuls les
employeurs de plus de dix salariés étaient aujourd'hui soumis à l'obligation de cotiser
au titre de la formation professionnelle continue. Elle en a déduit que, si les
assistants maternels employés par une crèche familiale bénéficiaient de la formation
continue, tel n'était pas le cas des assistants employés par des particuliers.
Elle a toutefois indiqué que la loi relative à la formation
professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, adoptée le 7 avril dernier,
rendait obligatoire la formation continue pour l'ensemble des salariés et que le présent
projet de loi prévoyait, en conséquence, une nouvelle cotisation patronale de 0,15
points, en réalité intégralement prise en charge par la branche famille, pour alimenter
un fonds de formation professionnelle pour les assistants maternels. Elle a, en outre,
précisé que la gestion de ce fonds pourrait, comme pour l'ensemble des autres salariés
de droit privé, être confiée à l'association de gestion du fonds d'assurance formation
des salariés des petites et moyennes entreprises (AGEFOSS-PME).
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a fait part de
son souhait d'étendre le bénéfice de la formation professionnelle
continue aux travailleurs familiaux intervenant au domicile des parents dans le cadre de
l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED).
Il a ensuite évoqué la création de deux nouvelles
cotisations visant à mettre en place, d'une part, un fonds du paritarisme, d'autre part,
un accord de prévoyance santé. Il a souhaité connaître quels seraient les redevables
de ces cotisations et le coût supplémentaire éventuellement à la charge de la branche
famille.
Mme Nicole Prud'homme a précisé que le coût global
pour la CNAF de la mise en place de la formation professionnelle continue, du fonds du
paritarisme et de la prévoyance santé s'élèverait à 50 millions d'euros à compter de
2005.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, s'est interrogé
sur l'impact financier, d'une part pour la branche famille, d'autre part pour les parents,
d'une revalorisation de la rémunération minimale des assistants maternels à hauteur
d'un SMIC pour trois enfants gardés, en équivalent temps plein. Il a voulu savoir si une
telle revalorisation ne conduirait pas à neutraliser l'effet positif de la mise en place
de la PAJE sur le taux d'effort des familles.
Mme Nicole Prud'homme a d'abord rappelé que la
rémunération minimale des assistants maternels et familiaux s'élevait aujourd'hui à
2,25 SMIC horaire par jour de garde et par enfant : sur la base de cinq jours de
garde par semaine, on peut donc estimer qu'un assistant maternel bénéficie d'une
rémunération mensuelle de 146,25 SMIC horaire par mois, à l'exclusion des indemnités
d'entretien, ce qui correspond à 86,5 % du SMIC mensuel calculé sur la base de 39
heures hebdomadaires ou à 96,4 % du SMIC mensuel sur la base de 35 heures. Elle a
donc expliqué que l'objectif d'une rémunération garantie égale au SMIC mensuel
calculé sur la base de 39 heures serait atteint par un passage de 2,25 à 2,60 SMIC
horaires par jour de garde et par enfant.
Elle a estimé que le coût, pour la branche famille, d'un tel
relèvement de la rémunération minimale des assistants maternels et familiaux
s'élèverait à 60 millions d'euros au titre de la prise en charge des cotisations et à
25 millions d'euros résultant mécaniquement de l'augmentation des sommes versées au
titre de la PAJE. Elle a indiqué que le coût pour les parents s'élèverait, quant à
lui, à 55 millions d'euros et n'absorberait que 12 % de l'effort consenti en faveur
des familles employant un assistant maternel dans le cadre du complément de libre choix
du mode de garde de la PAJE.
En réponse à M. Roland Muzeau qui s'interrogeait sur
l'ampleur du travail au noir dans le secteur de la garde d'enfants, Mme Nicole
Prud'homme a précisé que celui-ci pouvait prendre deux formes : le
dépassement du nombre autorisé d'enfants accueillis par une même assistante maternelle
et la garde d'enfants sans agrément.
M. Guy Fischer a souhaité connaître les modalités
d'application de la validation des acquis de l'expériences aux assistants maternels et
familiaux. Il a également fait part de la revendication des assistants maternels
employés par les crèches familiales d'être intégrés dans la fonction publique
territoriale.
Mme Nicole Prud'homme a estimé que la question de
l'intégration des assistants maternels dans la fonction publique territoriale devait
être traitée dans le cadre d'un débat plus large sur l'avenir de la fonction publique.
Elle a surtout insisté sur la nécessité de prévoir des perspectives de carrière pour
les assistants maternels, en rappelant que les dispositions du projet de loi concernant la
formation professionnelle continue et la validation des acquis de l'expérience étaient
deux moyens importants d'y contribuer.
M. Jean Chérioux a voulu savoir s'il existait une
estimation du nombre de candidatures à l'agrément d'assistant maternel qui échouaient
en raison des conditions de logement.
M. Jean-Pierre Godefroy a souhaité connaître l'état
d'avancement des négociations sur la nouvelle convention collective des assistants
maternels et familiaux. Il a également plaidé en faveur d'une possibilité de
rémunération des assistants maternels par chèque emploi service.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, s'est enfin
interrogé sur la proportion d'enfants confiés à des assistants familiaux au titre de
placements judiciaires.
Mme Nicole Prud'homme a reconnu que l'exiguïté des
logements était une des difficultés les plus importantes pour l'agrément des
assistantes maternelles, notamment en région parisienne. Elle a ensuite rappelé que la
création du chèque PAJE permettrait de simplifier les formalités administratives liées
à l'emploi d'une assistante maternelle agréée. Elle a enfin précisé qu'environ 65.000
enfants étaient aujourd'hui confiés à des assistants familiaux dans le cadre de
placements judiciaires.
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