Mesdames, Messieurs,
Déposé en première lecture au Sénat, qui l'a adopté le 25
mai 2004, le projet de loi relatif aux assistants maternels et aux
assistants familiaux poursuit deux objectifs : d'une part, améliorer le
statut de ces deux professions en distinguant mieux leurs spécificités et
leurs contraintes, d'autre part, renforcer la qualité de l'accueil des
mineurs qui leur sont confiés.
L'examen du texte a permis au Sénat de préciser et
compléter les dispositifs proposés, dans le souci constant de concilier
l'intérêt de l'enfant, les besoins des familles et les conditions de travail
des assistants maternels et familiaux.
L'Assemblée nationale s'est, à son tour, prononcée sur le
projet de loi le 9 février dernier, dans un contexte sensiblement changé en
raison de la nomination d'un nouveau ministre en charge de la famille et de
l'extension de la
convention collective nationale de travail des assistants
maternels du particulier employeur survenue entre-temps, le 28 décembre
2004. Les modifications qui ont été apportées par nos collègues députés
laissent apparaître un changement de philosophie d'ensemble et l'adoption de
dispositions moins favorables aux familles et à l'organisation décentralisée
des deux professions concernées.
Sans remettre en cause l'ensemble des apports de
l'Assemblée nationale, votre commission des Affaires sociales ne peut que
constater que certaines divergences ainsi apparues appellent un débat de
fond à l'occasion de la seconde lecture au Sénat.
Le premier volet du projet de loi a trait, pour
l'essentiel, à la définition des professions d'assistants maternels
et familiaux et au renforcement de leur formation en vue d'une
professionnalisation accrue de ces deux métiers.
Sa mesure essentielle, et la plus symbolique, consiste en
une séparation nette des professions d'assistant maternel et d'assistant
familial, jusqu'alors confondues sous le vocable générique d'« assistant
maternel ». En conséquence, l'agrément préalable nécessaire à l'exercice de
ces professions sera adapté aux besoins et aux contraintes de deux métiers
désormais distincts. L'Assemblée nationale a adopté plusieurs dispositions
ayant pour effet d'accroître la complexité de la procédure d'agrément pour
les services départementaux et de définir des critères nationaux d'agrément.
Notre commission ayant au contraire privilégié la simplicité de cette
procédure et l'organisation départementale de ces professions, elle propose
donc d'en revenir à sa rédaction initiale.
La deuxième préoccupation du texte se rapporte à la
formation des assistants maternels et familiaux,
qui doit être là encore bien différenciée selon les cas : elle se déroulera
désormais pour partie préalablement à l'accueil du premier enfant
et sera renforcée. L'Assemblée nationale ayant opté pour la prise en charge
de la formation des assistants maternels par la région, la question se pose
de savoir si ce choix est compatible avec l'organisation départementale de
la profession.
Enfin, à l'initiative de votre commission, le Sénat avait
complété ce premier volet par deux dispositions importantes : d'une part, la
reconnaissance législative des RAM et leur ouverture aux assistants
parentaux, d'autre part, la priorité d'accès au logement
locatif social pour les assistants maternels et familiaux.
L'Assemblée nationale a voté ce dernier point sans modification, mais elle a
vidé le dispositif proposé pour les RAM d'une partie de son sens en en
restreignant l'accès aux seuls assistants maternels. Là encore, les points
de vue demandent à être rapprochés.
La seconde partie du projet de loi, qui modifie certaines
dispositions du code du travail, constitue une avancée sociale importante,
particulièrement attendue par les différentes catégories d'assistants
maternels et d'assistants familiaux. Ces professionnels bénéficieront ainsi
de la limitation de la durée du travail, de la redéfinition des modalités de
prise des congés, de l'introduction d'une séparation nette entre les
professions d'assistant maternel et d'assistant familial ainsi que du
renforcement de leur statut juridique, par rapprochement avec le droit
commun du code du travail.
La France qui est déjà le seul pays en Europe à avoir
donné aux assistants maternels et familiaux un véritable statut fondé sur le
salariat, confirme ainsi sa spécificité.
Le Sénat partage avec l'Assemblée nationale l'objectif de
renforcer le cadre juridique protecteur auquel aspirent ces professionnels.
Pour autant, votre commission s'étonne que neuf articles seulement,
sur les vingt-deux du titre III, aient été adoptés dans les mêmes termes par
les deux assemblées. Outre des dispositions de coordination, il s'agit des
modalités d'exercice des mandats syndicaux (article 22), des conditions de
licenciement pour motif réel et sérieux des assistants maternels et
familiaux employés par des personnes morales de droit privé (article 23), du
devenir du contrat de travail en cas de suspension de l'agrément (article
24), du régime de l'attente applicable aux assistants maternels employés par
des personnes morales de droit privé (article 26) et des règles de cumul
d'activité (article 29).
Votre commission observe en outre que les modifications
apportées par le Sénat aux articles 18 et 27, consacrés respectivement à la
limitation du temps de travail des assistants maternels et à la prise des
congés des assistants familiaux, ont été remis en cause par l'Assemblée
nationale. Elle formule le voeu que la poursuite du processus législatif
soit l'occasion d'un rapprochement des points de vue sur ces questions.
Elle constate par ailleurs que la demande d'accueil
d'enfant s'est accrue avec le développement des foyers monoparentaux et
celui des familles où les deux parents travaillent : dans notre pays, un
enfant sur cinq vit dans une famille monoparentale et 81 % des femmes ont
une activité professionnelle. Dans ce contexte, concilier vie familiale et
vie professionnelle suppose, pour les parents, de pouvoir faire garder leurs
enfants non seulement pendant leurs propres horaires de travail mais
également durant le temps du trajet entre leur domicile et leur lieu de
travail. Lorsque celui-ci dépasse les deux heures par jour, ce qui n'est pas
rare dans les grandes villes notamment, la demande horaire de garde s'en
trouve accrue d'autant. Il convient aussi de prendre en compte les
différentes situations familiales si l'on souhaite que le projet de loi
atteigne les objectifs qu'on lui a assignés. Le mode de garde de l'enfant
selon les familles doit donc être susceptible de s'adapter au mieux rythme
de la vie familiale.
Votre commission propose d'adopter dans les mêmes termes
que l'Assemblée nationale six des treize articles restant en discussion dans
cette deuxième partie. Pour le reste, elle estime nécessaire de poursuivre
le débat et d'enrichir le texte de façon à :
-
mettre un terme aux discordances que l'on relève
désormais entre la
convention collective étendue et le projet de loi
résultant des travaux de l'Assemblée nationale en matière de régime
d'attente entre deux enfants confiés et de congés annuels des assistants
maternels ;
-
privilégier une approche souple des conditions de
travail pour faciliter l'application de la loi ;
-
concilier les demandes légitimes des professionnels et
les besoins réels des familles en matière d'horaires de travail et de
calcul de la rémunération des assistants maternels.
Le présent projet de loi apportera un progrès certain et
nécessaire pour les assistants maternels et familiaux, dont le statut qui
n'a fait l'objet d'aucune adaptation depuis la
loi n° 92-642 du 12 juillet
1992, demande à être renforcé ne serait-ce que pour répondre à la crise de
vocation que l'on déplore sur une large fraction du territoire national. Il
s'agit toutefois de garantir son application effective en tenant compte de
la réalité des besoins des familles et sans bouleverser l'organisation des
services départementaux qui gèrent aujourd'hui l'agrément de ces
professionnels, ainsi que le contrôle et l'accompagnement de ceux qu'ils
emploient directement.
Les deux premières lectures du texte ont déjà permis
d'améliorer plusieurs dispositifs. Des points sensibles restent à trancher
et votre commission, soucieuse de concilier la mise en place d'un véritable
statut professionnel des assistants maternels et familiaux et la souplesse
inhérente à un mode de garde individuel apprécié des familles, souhaite y
apporter des éléments de réponse.
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