Rapport n° 298
fait par Jean-Pierre Fourcade
au nom de la commission des Affaires sociales
sur le projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux

Propositions de la commission et Avant-propos

 

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Avertissement : Les informations contenues dans cette page sont une retranscription des textes officiels, auxquels elles ne peuvent se substituer.

 

Les propositions de la commission

Réunie le 11 mai 2004, la commission a suivi les conclusions de M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, et a approuvé le présent projet de loi sous réserve de l'adoption de dix-sept amendements. Outre des améliorations techniques, cinq innovations essentielles sont proposées : 

  1. Donner une priorité pour les assistants maternels et familiaux dans l'attribution des logements sociaux

Les conditions de logement, notamment en zone urbaine, font souvent obstacle au développement de l'offre de service des assistants maternels comme familiaux. Une solution peut être trouvée en accordant à ces professionnels une priorité pour l'attribution d'un logement social et en leur permettant de disposer d'un logement d'une taille supérieure à celle à laquelle ils auraient normalement droit compte tenu de la composition de leur foyer. 

  1. Adapter les horaires de travail des assistants maternels

Pour la première fois, le texte propose d'encadrer la durée du travail des assistants maternels. Pour conserver à ce mode de garde la souplesse requise par les spécificités de la garde de jeunes enfants tout en protégeant les salariés, il est proposé :

  • la création d'un forfait annuel de 2 250 heures de travail maximum à l'intérieur duquel sera appliquée une moyenne hebdomadaire de quarante-huit heures de travail, appréciée sur une période de douze mois ;
  • la référence à une limite maximum de treize heures de travail par jour.
  1. Créer un compte épargne temps pour les assistants familiaux

En pratique, les assistants familiaux sont souvent conduits à prendre leurs congés annuels en présence des enfants dont ils ont la charge. Afin de tenir compte de cette contrainte, il est proposé de leur offrir la faculté d'ouvrir un "compte épargne temps" à utiliser ultérieurement ou lors de la liquidation de leur pension de retraite.

  1. Prendre en compte la négociation collective

Il est suggéré d'inclure dans la loi la référence à la convention collective nationale des assistants maternels, dont les négociations sont actuellement en cours de conclusion, et qui pourra utilement compléter et adapter les présentes dispositions législatives. Le rôle des partenaires sociaux et la place de la négociation collective en seront par là même reconnus.

  1. Compenser les extensions de compétences des collectivités territoriales

Les extensions de compétences des collectivités territoriales organisées par le projet de loi, dans le domaine de la formation professionnelle notamment, justifient que soit prévue leur compensation financière conformément à l'article 72-2 de la Constitution.

 

Avant-propos

Mesdames, Messieurs,

La France est l'un des premiers pays à avoir adopté des règles spécifiques pour les personnes qui accueillent habituellement à leur domicile des mineurs, moyennant rémunération.

Ce métier s'exerce sous deux formes : les assistants maternels non permanents accueillent à la journée des enfants confiés par leurs parents et les assistants maternels permanents assument la garde d'enfants placés par l'aide sociale à l'enfance quand ils ne peuvent demeurer dans leur propre famille.

Leur statut résulte de la loi n° 77-503 du 17 mai 1977, qui a fait de l'ancienne activité de "nourrice" une profession réglementée, dont l'accès est soumis à l'obtention préalable d'un agrément accordé par le président du conseil général. Les premières actions de formation, laissées au libre choix des départements ont alors été mises en oeuvre tandis qu'on instaurait un mode de rémunération à la journée.

Ce statut a été renforcé par la loi n° 92-642 du 12 juillet 1992, qui a rendu la formation initiale obligatoire, a simplifié la procédure d'agrément et a institué une mensualisation de la rémunération des assistants maternels permanents, réduisant ainsi la précarité de la profession.

Dans le prolongement de ces deux textes fondateurs, le présent projet de loi, que le Sénat est appelé à examiner en première lecture, présente un double intérêt : d'une part, rénover le statut juridique des assistants maternels, d'autre part, améliorer la qualité de l'accueil des mineurs qui leur sont confiés. De réels progrès restent en effet à faire, afin de renforcer la professionnalisation de ces deux types d'assistants maternels et leur reconnaissance au sein des dispositifs de protection de l'enfance et d'accueil des jeunes enfants, et d'améliorer leurs conditions de travail.

Issu d'une négociation fructueuse entre le Gouvernement et les différentes organisations syndicales et familiales, ce texte propose des dispositions essentielles, à commencer par la plus symbolique d'entre elles, la séparation formelle des métiers d'assistants maternels non permanents, qui conservent l'appellation d'assistant maternel, et d'assistant maternel permanent, qui deviennent les nouveaux assistants familiaux. Enfin clairement distinguées, ces deux professions vont donc pouvoir se voir appliquer des règles adaptées aux spécificités de leur exercice. C'est cette séparation que le présent projet de loi traduit in fine en termes d'agrément, de formation et d'application du droit du travail.

Les mesures proposées dans ces différents domaines vont dans le sens d'une plus grande professionnalisation de ces deux métiers, ainsi valorisés. Car tel est bien l'objectif ultime de ce texte : remédier à la "crise de vocations", qui a créé l'insuffisance criante de l'offre, tant pour la garde de jeunes enfants que pour le placement de mineurs en difficulté.

C'est pourquoi notre commission, traditionnellement soucieuse de la protection des enfants et résolument engagée pour toute mesure permettant la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, ne peut que soutenir fermement les dispositions dont elle a été saisie, tout en proposant à son tour de les préciser et de les améliorer.

 

 

I. Assistants maternels, assistants familiaux : deux professions à valoriser

A. Les assistants maternels : la nécessité de répondre à la demande des familles
1. Un mode de garde apprécié par les familles

Actuellement, l'accueil des 2,3 millions d'enfants de moins de trois ans se partage très exactement par moitié entre la garde au foyer par l'un des parents et celle assurée par des personnes extérieures.

Dans ce second cas, l'accueil par un assistant maternel constitue le mode de prise en charge privilégié par les familles, puisqu'il concerne près de 20 % des jeunes enfants, devant l'école maternelle, la crèche et la garde à domicile assurée par une employée. Plus de 480 000 enfants de moins de trois ans sont gardés, à temps plein ou à temps partiel, par 265 000 assistants maternels à titre non permanent travaillant à domicile et par 25 600 employés au sein d'une crèche familiale. Au total, les assistants maternels agréés sont près de 345 000, même si tous ne sont pas en activité.

Selon une récente étude menée par les services du ministère des Affaires sociales(1), les familles qui optent pour ce mode de garde sont composées, dans 90 % des cas, par deux parents en activité professionnelle. La majorité des familles concernées comporte un ou deux enfants et dispose de revenus moyens. Par comparaison, les mères qui interrompent leur activité professionnelle pour rester auprès de leurs enfants sont davantage présentes dans les tranches de revenus les plus faibles ou les familles nombreuses et les parents qui emploient une aide à domicile se trouvent plutôt dans les tranches de revenus les plus élevées.

L'assistant maternel propose donc une solution intermédiaire attractive, notamment en termes de coût et de facilité d'accès, entre la crèche et la garde à domicile.

  1. Un coût réduit

L'augmentation du recours à ce mode de garde a été favorisée par la revalorisation régulière de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA), dont les crédits ont augmenté de près de 10 % par an entre 2000 et 2003, soit deux fois plus que le montant global des prestations liées à la petite enfance.

Un choix politique et budgétaire a donc été clairement opéré au profit de l'AFEAMA et au détriment de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED). En conséquence, le nombre de familles optant pour la garde par un assistant maternel s'est accru tandis que la garde à domicile par une employée devenait quasi impossible pour nombre de familles aux revenus modestes et médians.

Désormais, la garde par un assistant maternel est financièrement intéressante pour les familles dont les revenus s'établissent au-dessus de trois SMIC, comme pour les ménages disposant d'un revenu inférieur à 1,8 SMIC. C'est aussi le système le moins coûteux pour la collectivité.

  1. Un confort d'accueil

Le choix du mode de garde par un assistant maternel s'explique aussi par des raisons liées au confort de l'enfant qui bénéficie alors d'un accueil plus personnalisé que dans les structures collectives. En outre, les heures d'ouverture des crèches apparaissent contraignantes, notamment le soir, pour beaucoup de parents exerçant une activité professionnelle aux horaires tardifs ou irréguliers.

En effet, depuis dix ans, les temps et les rythmes de travail des familles ont sensiblement évolué et le temps partiel, la semaine de quatre jours, les horaires atypiques se sont développés. Cette évolution s'est accélérée ces dernières années avec la mise en place de la réduction du temps de travail, qui a introduit une flexibilité plus importante de la vie professionnelle pour de nombreux actifs.

  1. Une demande en hausse

Même si les premiers chiffres ne sont pas encore connus, la demande de garde par un assistant maternel risque encore de croître avec la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Annoncée lors de la Conférence de la famille du 29 avril 2003, la PAJE regroupe désormais, en une seule allocation, les cinq prestations principales existant dans le domaine de la petite enfance et allège considérablement le coût actuel, pour les familles, de la garde de leurs enfants.

Part du revenu consacré à la garde d'un enfant
selon le niveau de revenu et le mode de garde
Source : ministère délégué à la Famille
1 SMIC
(912 €)
1,5 SMIC
(1 370 €)
2 SMIC
(1 830 €)
Avant la PAJE 28 %  18,8 %  14 % 
Avec la PAJE 12 %  7,8 %  5 % 

 

Cette amélioration considérable en matière de taux d'effort des familles pour le financement de la garde de leur enfant doit être prise en compte dans le cadre d'une augmentation des revenus des assistants maternels, dont une partie pourrait ainsi être prise en charge par les familles.

 

2. Des capacités d'accueil trop limitées

Face à la forte demande des familles, l'offre de garde par un assistant maternel est aujourd'hui largement insuffisante, notamment dans certaines régions comme le sud-est et la région parisienne. Ce déséquilibre est, en outre, facteur d'importantes disparités de rémunération entre ces professionnels selon les départements.

Pourtant, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES)(2), le nombre d'agréments délivrés par le service départemental de la protection maternelle et infantile (PMI) a augmenté d'environ 30 % depuis 1995, ce qui a permis de multiplier par 3,5 en moins de dix ans le nombre d'assistants maternels en activité.

En outre, la proportion d'assistants maternels en activité rapportée au nombre d'agréments valides a fortement crû sur la période, passant d'à peine plus de la moitié en 1990 aux trois quarts depuis 2001.

On comptait en 2002, 343 100 assistants maternels agréés à la journée (soit près de 90 % des effectifs), 25 600 en crèches familiales et 9 100 en agrément mixte (permanent et non permanent).

L'augmentation, à la fois du nombre d'agréments en cours de validité et du nombre d'assistants maternels en exercice, s'explique en grande partie, selon la DREES, par la création de l'AFEAMA en 1991 et par la réforme du statut issue de la loi n° 92-642 du 12 juillet 1992 relative aux assistants maternels et assistantes maternelles, qui a permis un début de professionnalisation de ce métier. Ces deux dispositifs ont entraîné, d'une part un nombre croissant de "nourrices" demandant à être agréées, d'autre part, un taux plus élevé de déclaration des assistants maternels par les employeurs, traduisant ainsi une substantielle réduction du travail au noir. Pour autant, un quart des assistants maternels agréés n'est actuellement pas en exercice, proportion qui peut atteindre 40 % dans certains départements.

Il s'agit donc, pour répondre à la demande croissante des familles, de mieux valoriser ce métier, afin d'inciter ceux qui sont agréés à l'exercer et d'attirer de nouveaux candidats. A cet égard, le présent projet de loi apporte des réponses constructives, notamment en termes de professionnalisation et de recul de la précarité.

En cela, il complète utilement les dispositions de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance concernant l'agrément, qui déjà, avaient permis de développer les capacités d'accueil des assistants maternels et d'assouplir les règles applicables à ce mode de garde.

En effet, il est apparu que beaucoup d'assistants maternels ne pouvaient répondre à la demande des parents, en raison de la rigidité de leur agrément qui ne les autorisait à garder qu'un maximum de trois enfants, quelle que soit la durée de leur présence.

Cette capacité d'accueil a été portée à trois enfants gardés simultanément, ce qui autorise l'accueil en temps partiel d'un nombre plus important d'enfants.

En outre, les assistants maternels bénéficient d'un rythme de travail plus régulier, puisque les parents peuvent ne laisser leur enfant en garde que quelques heures par semaine sans que le revenu de l'assistant maternel en pâtisse.

B. Les assistants familiaux : une présence indispensable auprès des enfants en détresse
1. Une mission-phare dans le cadre du dispositif de placement d'enfants

Confiée aux départements par les lois de décentralisation du 2 mars 1982 et du 7 janvier 1983, la compétence de la sauvegarde de l'enfance est assurée par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE), investis par l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles d'une quintuple mission :

  • apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs, à leur famille, aux mineurs émancipés et aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ; 
  • organiser, dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale, des actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale ; 
  • mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs ; 
  • pourvoir à l'ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation, en collaboration avec leur famille ou leur représentant légal ; 
  • mener, notamment à l'occasion de l'ensemble de ces interventions, des actions de prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs.

Ces missions s'exercent dans un double cadre théoriquement bien délimité, celui de la protection administrative et celui du placement judiciaire.

La protection administrative ne lie pas les usagers et notamment les familles qui y ont recours. Elle constitue un soutien social proposé dans le cadre des compétences générales du département et se traduit par des aides et des actions à domicile, voire un placement avec l'accord des parents.

L'aide sociale à l'enfance exerce les mêmes fonctions, mais dans un cadre judiciaire cette fois défini par l'article 375 du code civil, qui dispose que "si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice".

La suppléance des parents revêt rarement un caractère absolu puisque le juge "doit toujours s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la mesure envisagée" et, "chaque fois qu'il est possible" maintenir le mineur dans son "milieu actuel". Toutefois, le cadre est ici contraignant et les familles doivent in fine se soumettre à la décision du juge, décision qui, en cas de placement de l'enfant, implique une séparation.

Dans le cadre de l'ASE, le placement familial constitue, aux côtés des établissements, un dispositif institutionnel chargé d'assurer la continuité de l'accueil, de l'hébergement et de la prise en charge de l'enfant ou de l'adolescent confié dans le cadre du soin (placement direct par l'hôpital) ou, le plus souvent, d'un mandat de protection de l'enfance.

Les assistants familiaux, agréés par la PMI, sont donc employés soit directement par le département, soit par des personnes morales de droit privé (généralement des associations ou des fondations) habilitées à cet effet, pour accueillir des enfants ayant fait l'objet d'une décision de placement.

A l'heure actuelle, 46 800 assistants familiaux agréés sont en activité et accueillent près de 65 000 enfants (soit une moyenne de 1,7 enfant confié dans chaque famille d'accueil) à la suite d'une décision judiciaire dans neuf cas sur dix. Ce mode d'accueil représente 55 % des placements d'enfants.

 

2. Un métier de plus en plus difficile à exercer

Les assistants maternels permanents, que le présent projet de loi dénomme désormais "assistants familiaux", exercent donc un véritable métier, consistant à élever les enfants d'autres familles, qui plus est spécifique puisqu'il se déroule dans la sphère de la vie privée et ne repose pas sur un décompte d'heures travaillées. Ce métier, institué par la loi du 17 mai 1977 et revalorisé par la loi du 12 juillet 1992 est pourtant peu reconnu dans l'ensemble des professions sociales intervenant auprès des familles en détresse, au regard des contraintes qu'il entraîne.

Les enfants placés présentent actuellement de grandes difficultés, très différentes de celles observées il y a dix ans auparavant, ce qui conduit beaucoup d'employeurs à ne confier souvent qu'un enfant par famille d'accueil, deux au maximum. Dans l'échantillon de dossiers d'enfants pris en charge par la protection de l'enfance examiné par l'IGAS(3), les raisons les plus fréquentes ayant conduit à séparer l'enfant de sa famille sont l'existence de carences éducatives importantes, de difficultés psychiques des parents, de conflits familiaux, de l'alcoolisme ou de la toxicomanie de l'un ou l'autre parent ou de maltraitance (abus sexuels, sévices corporels).

Ces difficultés ont des incidences dommageables à la poursuite du développement de la personnalité de l'enfant, qui peut manifester des déficiences intellectuelles et/ou des troubles du comportement plus ou moins importants. Les enfants conservent des séquelles de ces perturbations familiales, qu'ils introduisent souvent alors dans la famille d'accueil. La profession d'assistant maternel permanent est de ce fait exposée à des risques de voir l'enfant reproduire, dans son milieu d'accueil, les troubles vécus dans son milieu familial.

La fonction des assistants maternels permanents recouvre donc plusieurs aspects :

  • la garde physique d'enfants, placés par l'ASE à la suite d'une décision judiciaire pour 90 % d'entre eux, à l'égard desquels la famille d'accueil exerce un rôle de soins et d'éducation. Il lui appartient de pratiquer les fonctions parentales, sans empiéter sur les autres aspects de la parentalité, c'est-à-dire de veiller à l'alimentation, à l'hygiène, à la santé, aux activités scolaires et de loisirs, au sommeil et aux rythmes de vie de l'enfant, à ses relations intra et extra familiales, à l'emploi de son temps, de l'aider à acquérir une certaine discipline, à faire l'apprentissage des interdits et des limites. Il s'agit d'exercer l'ensemble des fonctions parentales quotidiennes, en prodiguant à l'enfant les soins indispensables grâce auxquels il peut poursuivre son développement physique et psychique ;
  • la participation à un travail extérieur au domicile (conduite de l'enfant dans des lieux de soins et/ou de rencontres avec ses parents, participation à des réunions pluridisciplinaires concernant la situation de l'enfant, entretiens avec l'équipe éducative chargée du suivi de l'enfant et de sa famille) ;
  • la disponibilité pour un projet d'accueil qui pourra changer en fonction de l'histoire de l'enfant et de sa famille.

En outre, il apparaît que, faute de moyens suffisants et adaptés dans les secteurs du handicap et de la psychiatrie, certains assistants maternels relevant de la protection de l'enfance sont amenés à accueillir des enfants qui devraient bénéficier de prises en charge médico-sociales ou pédo-psychiatriques. C'est également le cas, certes marginal, du placement hospitalier auprès d'une centaine d'assistants familiaux qui accueillent des enfants gravement malades et parfois en fin de vie.

Les difficultés rencontrées dans le cadre de l'accueil de ces enfants en grande détresse ont aujourd'hui abouti à une situation paradoxale : désormais, les assistants familiaux se voient confier les "cas" que les établissements spécialisés refusent de garder.

L'exercice de ce métier comporte donc des risques et des contraintes croissants qui freinent de nombreux candidats, notamment dans les départements où la rémunération est peu importante. Il convient d'indiquer à cet égard qu'il revient au seul département de fixer cette rémunération, avec un plancher de 84,5 SMIC horaire, ce qui crée de fortes inégalités entre les assistants familiaux.

Ainsi, en dépit de l'avantage fiscal dont bénéficient les assistants familiaux (mais également les assistants maternels), aux termes de l'article 80 sexies du code général des impôts, l'écart entre l'attractivité de la profession et les besoins des services de l'ASE ne cessant de s'amplifier, il devenait urgent d'accorder un statut valorisant à la profession d'assistants familiaux.

 

 

II. Les mesures essentielles d'un projet de loi longtemps attendu

A. La reconnaissance de deux métiers distincts
1. Deux appellations différentes pour deux professions indépendantes

Le projet de loi propose une séparation plus nette entre les deux métiers, qui se traduit par la dénomination distincte des deux professions, jusqu'alors confondues sous le nom générique d' "assistant maternel", que l'accueil ait un caractère permanent ou non.

Désormais, l' "assistant maternel" est la personne qui accueille de jeunes enfants confiés par leurs parents à son domicile tandis que l' "assistant familial" est chargé d'enfants placés au sein d'une famille d'accueil, dans la grande majorité des cas, par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

 

Le renforcement du statut des assistants maternels à titre permanent :
un début de distinction des deux professions introduit par la loi du 12 juillet 1992

Le renforcement du statut des assistants maternels concerne essentiellement l'accueil de mineurs à titre permanent.

  1. La qualité d'agents non titulaires de la fonction publique territoriale est reconnue aux assistants maternels employés par des personnes morales de droit public, leur permettant ainsi de bénéficier des droits sociaux attribués aux agents publics par ces collectivités.

Un décret a, en outre, prévu des dispositions particulières pour autoriser le cumul de cette activité avec une autre fonction privée lucrative (par dérogation à l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 janvier 1983).

  1. Un nouveau mode de rémunération distingue, parmi les assistants maternels à titre permanent, ceux qui reçoivent des mineurs de façon intermittente (moins de quinze jours par mois) et ceux qui les accueillent de façon continue (plus de quinze jours consécutifs par mois).

La rémunération de l'accueil continu est désormais établie mensuellement, l'accueil intermittent restant rémunéré sur la base de la journée.

  1. En conséquence de cette mensualisation, le système des indemnités d'absence est supprimé et remplacé par un dispositif de salaire garanti, quelles que soient les conditions de présence ou d'absence du mineur (ne dépendant pas toutefois de l'assistante maternelle) jusqu'à ce que le contrat d'accueil prenne fin.

S'agissant des indemnités de repos ou de congés payés, hormis le cas des congés annuels qui, lorsqu'ils ne sont pas pris, ouvrent droit au cumul du salaire et des indemnités de congés payés, les autres jours ne donnent plus lieu à une majoration de salaire.

En cas de licenciement, le mode d'indemnisation est modifié dans le sens d'une amélioration de sa base de calcul (sur les six meilleurs mois consécutifs et non plus les six derniers mois).

  1. Enfin, l'assistant maternel à titre permanent est considéré désormais comme un partenaire à part entière des services qui l'emploient. Il est notamment consulté sur toute décision concernant le ou les enfants qu'il accueille.

 

En outre, la réforme de 1992 tient compte des spécificités de chaque catégorie (accueil à la journée ou accueil à titre permanent) en différenciant :

  • la durée maximum d'instruction des agréments (trois mois pour l'accueil à la journée, six mois pour l'accueil à titre permanent) ;
  • la durée de formation (60 heures pour l'accueil à la journée, le double pour l'accueil à titre permanent) ;
  • les modalités d'exercice de cette activité pour les assistants maternels employées par les départements (à titre continu ou intermittent)) ;
  • les modes de rémunération (à la journée ou mensualisation).

En revanche, le principe du statut unique pour les deux professions a été maintenu, en arguant de leurs points communs : la garde d'enfant et l'exercice à domicile. La procédure d'agrément est, dans les deux cas, placée sous la responsabilité des mêmes services départementaux, à savoir la protection maternelle et infantile.

In fine, la réforme de 1992 aboutit donc à un " faux statut unique", dont la valeur est essentiellement symbolique.

 

Le souci de reconnaître l'existence de deux métiers différents constituait déjà l'une des réflexions centrales du groupe de travail sur l'évolution du statut des assistants maternels, mis en place sous la précédente législature, notamment pour tenir compte de la spécificité du rôle des familles d'accueil. Les conclusions de cette étude(4), publiées en avril 2002, indiquent ainsi :

"L'accueil permanent et non permanent constituent deux métiers de plus en plus différenciés, dont la distinction apparaît dans l'appartenance à deux réseaux spécifiques : celui de la protection de l'enfance et celui des modes d'accueil du jeune enfant.

(...) Pour tenir compte des problèmes spécifiques liés aux carences des enfants placés et aux troubles des parents qui les induisent, la reconnaissance de la spécialisation du métier de famille d'accueil est donc fortement souhaitée.

Compte tenu des différenciations opérées par la loi de 1992 entre accueil permanent et accueil non permanent, la question est maintenant de déterminer si la séparation des deux métiers doit intervenir dès le stade de l'accès au métier, donc de l'agrément."

Malgré ces recommandations et les fortes attentes des professionnels, ces préconisations sont restées lettre morte puisque le précédent gouvernement n'a pas souhaité revenir sur le statut "unique" issu de la loi n° 92-642 du 12 juillet 1992 relative aux assistants maternels et assistantes maternelles. Votre commission se réjouit donc que le présent Gouvernement se soit engagé dans une logique de différenciation.

 

2. Un agrément mieux adapté aux exigences de chaque métier

Le projet de loi conserve les principales caractéristiques des agréments respectifs des assistants maternels et des assistants familiaux : délivrance par les services de la PMI, indication précise sur le nombre et l'âge des enfants accueillis, vérification des conditions d'accueil (y compris un examen médical du candidat) et fixation des horaires d'accueil. Toutefois, il propose d'adapter les conditions d'agrément aux spécificités reconnues du métier d'assistant familial.

Cet agrément pourra désormais être délivré pour une durée supérieure à cinq ans, qui reste le droit commun pour l'agrément des assistants maternels, voire, sous certaines conditions, être valable sans limitation de durée. Cette disposition plus souple est cohérente avec le statut particulier des assistants familiaux : en effet, l'agrément repose sur une procédure de recrutement pointilleuse de la part de leur employeur, soit l'ASE directement soit une personne morale de droit privé et le licenciement intervient dès lors que les critères exigés ne sont plus remplis. Dans la mesure où ce sont les employeurs, et non la PMI, qui exercent un contrôle sur les assistants familiaux, l'agrément n'est alors qu'une simple clé d'entrée dans le système, qui ne justifie pas une procédure de renouvellement complexe. Toutefois, votre commission estime que la notion d'amendement illimité devra être précisée et encadrée pour éviter tout type d'abus en la matière.

Le groupe de travail précité sur la réforme du statut de ces deux professions, partant de ce même constat, avait même envisagé la suppression de l'agrément pour les assistants familiaux, mais s'était heurté à des difficultés juridiques, tenant notamment aux procédures de vérification de l'habitation privée s'agissant d'une profession exercée à domicile.

Le présent projet s'est rendu à ces arguments et n'a pas retenu cette hypothèse extrême. Il lui a préféré une solution intermédiaire, soit une durée d'agrément spécifique au statut d'assistant familial, tout en conservant un contrôle exclusif de la PMI sur l'entrée dans la profession.

 

B. Une avancée vers la professionnalisation
1. Un développement indispensable de la formation

L'étude précitée de la DREES indique que plus de 40 % des assistants maternels âgés de 35 à 44 ans (ce qui constitue un tiers de l'effectif global de la profession) ont trois enfants ou plus à charge, contre seulement 17 % des salariés du privé. Ce constat montre que ce métier correspond souvent à une reprise d'activité pour des mères de familles nombreuses ayant longtemps cessé de travailler pour s'occuper de leurs propres enfants. Ainsi, on remarque que les candidats à l'agrément, aussi bien d'assistant maternel que d'assistant familial, sont en moyenne âgés d'une quarantaine d'années. Compte tenu de cette reprise d'activité tardive, la nécessité d'une formation revêt une importance essentielle.

Les assistants maternels et familiaux sont en outre globalement moins diplômés que les salariés du privé : en 2002, la moitié d'entre eux n'a aucun diplôme, ou au plus un CEP ou un brevet des collèges, contre 31 % des salariés du privé. Toutefois, la loi de 1992 précitée, qui a rendu obligatoire la formation auparavant laissée à l'initiative des départements, a permis une évolution certaine en la matière, puisqu'on constate que les écarts se sont réduits entre les niveaux de diplômes des assistants maternels et des salariés du privé, signe d'un début de professionnalisation.

Évolution comparée du niveau de diplôme des assistants maternels en exercice et des salariées du privé
Source : INSEE, enquêtes Emploi 1995 et 2002
Assistants
maternels
Salariées
du privé
1995 2002 1995 2002
Aucun diplôme 26  21  18  15 
CEP ou BEPC 37  29  22  16 
BEP ou CAP, spécialité de soins ou de services aux personnes 4  
Autre BEP ou CAP 25  28  25  19 
Baccalauréat ou études supérieures 13  33  43 
Ensemble 100  100  100  100 

 

Compte tenu de la nécessité de continuer à progresser dans cette voie, le présent projet de loi développe largement la formation initiale de ces professionnels. Cette formation obligatoire est actuellement de soixante heures pour les assistants maternels et de 120 heures pour les assistants familiaux.

Ainsi, les assistants maternels devraient désormais suivre une formation obligatoire de 120 heures après leur agrément mais dans des délais plus rapprochés qu'aujourd'hui et, pour partie, préalablement à tout accueil d'enfant. Des travaux sont en outre menés sous l'égide du ministère de l'éducation nationale, afin que la rénovation, en cours, du CAP "petite enfance" et son découpage en trois unités s'opère avec l'objectif que la première unité de ce diplôme puisse correspondre, en termes de compétences, à celles acquises dans le cadre de la formation obligatoire des assistants maternels. La présentation de l'épreuve de validation de la première unité serait une obligation pour les candidats, mais non sa validation elle-même, pour continuer à exercer la profession.

En ce qui concerne les assistants familiaux, l'élaboration des référentiels professionnels de formation et de certification est également en cours, dans le cadre d'un groupe de travail au sein de la commission professionnelle consultative du travail social et de l'intervention sociale. Sous réserve des conclusions de ce groupe de travail, la perspective pourrait être celle d'une formation de 300 heures répartie en deux grands volets : un stage de préparation à l'accueil d'enfants et une formation d'adaptation à l'emploi, délivrée au cours des trois premières années d'activité professionnelle. Cette formation devrait déboucher sur un certificat d'aptitude aux fonctions d'assistant familial accessible soit par les épreuves de certification soit, notamment pour les personnes en activité depuis longtemps et ayant suivi la formation de 120 heures instituée par la loi de 1992, par la voie de la validation des acquis de l'expérience.

Les assistants maternels employés par des particuliers, exclus du bénéfice de la formation continue par l'article L. 952-1 du code du travail, pourront par ailleurs en bénéficier comme l'ensemble des autres salariés puisque cette exclusion vient d'être levée par la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social récemment adoptée. Cette évolution avait d'ailleurs été anticipée à l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, qui a budgété, à hauteur de 10 millions d'euros, le coût de la prise en charge par la branche famille des cotisations employeurs (0,15 %) pour le financement des actions de formation continue de cette catégorie d'assistants maternels.

Cette professionnalisation par la formation sera en outre renforcée par la validation des acquis de l'expérience (VAE) qui consiste, selon les termes de l'article 133 de la loi du 17 janvier 2002, codifié à l'article L. 900-1 du code du travail, en ce que "toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle, en vue de l'acquisition d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification". L'ensemble des textes particuliers régissant les diplômes qui concernent les assistants maternels et familiaux sera donc modifié afin de préciser les modalités suivant lesquelles ils pourront être obtenus, en tout ou partie par la voie de la VAE.

 

2. La reconnaissance du rôle éducatif des assistants maternels et familiaux

Le présent projet de loi conforte également la professionnalisation progressive des métiers d'assistant maternel et d'assistant familial en ce qu'il reconnaît l'importance de leur rôle éducatif auprès des enfants, qu'il s'agisse de la garde journalière de jeunes enfants ou de l'accueil, continu ou intermittent, d'enfants placés par l'ASE.

En conséquence, les agréments ouvrant droit à l'exercice de ces deux professions seront désormais accordés, non seulement si les conditions d'accueil permettent d'assurer la santé, la sécurité et l'épanouissement des enfants accueillis, mais aussi après évaluation des capacités éducatives des candidats par les services départementaux de la protection maternelle et infantile (PMI).

La reconnaissance du rôle éducatif de ces deux professions est particulièrement nette dans le cas des assistants familiaux. Le projet de loi rappelle ainsi officiellement que ces derniers travaillent avec l'équipe pluridisciplinaire chargée des placements d'enfants et de leur suivi au sein de l'ASE.

Plus encore, il est précisé que l'assistant familial doit être informé de l'état de santé, y compris psychologique, des enfants dont il s'est vu confier la charge. En outre, il est désormais partie prenante de la mise en oeuvre et du suivi du projet individualisé pour ces enfants.

Ces dispositions sont gages d'une réelle valorisation de l'aspect éducatif de ces métiers, ainsi que le réclamaient avec force les associations et les syndicats représentatifs des assistants maternels et familiaux.

 

C. Un rapprochement attendu avec le droit commun du travail

Répondant à l'attente des professionnels, le rapprochement du statut juridique des assistants maternels et familiaux de celui des personnes relevant du droit commun du code du travail constitue l'un des axes majeurs du projet de loi.

Toutefois, l'harmonisation n'est pas totale, car il doit être tenu compte des spécificités de ces deux professions, en particulier pour ce qui concerne l'amplitude nécessaire des horaires de travail.

Il convient surtout d'éviter de rendre les dispositions du droit du travail trop rigides, ce qui serait contreproductif. Un excès de règles nouvelles conduirait à une situation où ces dernières ne seraient pas, en pratique, appliquées et se traduirait probablement par un encouragement du "travail au noir".

Le rapprochement avec le droit commun du travail est plus aisé dans le cas des assistants maternels que dans celui des assistants familiaux, compte tenu de la différence de nature entre une mission temporaire et une mission permanente. C'est la raison pour laquelle le projet de loi n'aborde pas la question de la limitation du temps de travail des assistants familiaux.

Cette harmonisation partielle se rapporte à quatre dispositions principales :

  • l'introduction d'une obligation d'établir un contrat de travail écrit ;
  • la redéfinition des modalités de fin de contrat de travail ;
  • l'encadrement de la durée du travail ;
  • et la garantie des congés.

 

1. Le renforcement du formalisme dans l'établissement du contrat de travail

Le projet de loi crée l'obligation d'établir un contrat de travail écrit, tant pour les assistants familiaux que pour les assistants maternels et renvoie à un décret la définition des mentions essentielles du contrat de travail des assistants maternels. Il convient, en effet, de noter que, actuellement, ces contrats de travail comportent souvent d'importantes lacunes, dans la mesure où les particuliers employeurs n'ont le plus souvent pas pleinement conscience d'employer des salariés en contrat à durée indéterminée.

 

2. La redéfinition des modalités de rupture du contrat de travail

Le renforcement, unanimement souhaité par les représentants des organisations professionnelles, du statut des assistants maternels et familiaux passe par une harmonisation avec les dispositions de droit commun en matière de licenciement pour motif réel et sérieux, ainsi que par un renforcement du formalisme des cas de rupture du contrat de travail par l'une ou l'autre des parties.

Le texte propose ainsi d'imposer les procédures classiques de convocation à un entretien préalable, de motivation de la décision de licenciement de l'employeur et d'écoute des explications du salarié et fixe à la date de présentation d'une lettre recommandée avec accusé de réception le point de départ du délai-congé.

Ce rapprochement avec les procédures applicables aux "salariés de droit commun" est rendu nécessaire par le développement, observé au cours des dernières années, des litiges et du contentieux.

Parallèlement, l'assistant maternel qui prend l'initiative de la rupture doit respecter un préavis de quinze jours à un mois, suivant l'ancienneté de l'accueil de l'enfant.

 

3. La limitation du temps de travail des assistants maternels

Pour la première fois, le projet de loi propose d'introduire dans le code du travail, plusieurs limites à la durée du temps de travail des assistants maternels. Il apparaît en effet qu'à ce jour, ils ne sont soumis à aucune disposition leur garantissant un repos hebdomadaire et quotidien, ce qui constitue une source d'abus possibles. Il est donc prévu d'imposer un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, un repos hebdomadaire de 24 heures minimum et l'impossibilité, pour un employeur, de faire travailler sans son accord un assistant maternel plus de 48 heures par semaine.

 

4. Le souci d'assurer un droit de congé effectif aux assistants familiaux et maternels

Les deux catégories professionnelles se trouvent fréquemment confrontées à un problème de prise effective de congé. Par là même, leur situation contrevient aux obligations de la directive européenne du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

Le projet de loi s'attache à répondre à cette difficulté en modifiant les dispositions relatives aux modalités du droit aux congés des assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé. Alors que la durée minimale de ces congés, ainsi que leur répartition dans l'année, ne font l'objet aujourd'hui d'aucune mesure législative ou réglementaire, elles seront définies par décret à l'avenir. Il en résulterait une obligation à la charge des employeurs, d'organiser des accueils de remplacement pour les enfants accueillis, pendant les temps de congés de leurs assistants familiaux.

 

En définitive, l'ensemble de ces dispositions tendant à rapprocher la situation des assistants maternels et familiaux de celle des salariés de droit commun répond à trois préoccupations complémentaires.

Il s'agit en premier lieu de rendre les statuts de ces personnels plus attractifs, dans la mesure où de nombreuses régions sont confrontées à une pénurie d'offre de travail. On notera, en second lieu, que le Gouvernement souhaite mettre un terme à de nombreuses sources d'abus, rendues possibles par les lacunes de l'actuel état du droit applicable. Il convient, enfin, de souligner le souci de prévenir ou de circonscrire le développement des contentieux grâce à une meilleure définition des droits et devoirs des employeurs et des employés.

 

 

III. Les propositions de votre commission

A. Faciliter l'accès à ces deux professions pour faire face à la pénurie d'offre
1. Favoriser l'obtention d'un logement social adapté à l'accueil d'enfants

L'instruction des demandes d'agrément des candidats au métier d'assistant maternel ou d'assistant familial par le service départemental de la PMI, ou par une personne morale de droit public ou de droit privé ayant conclu à cet effet une convention avec le département, est destinée à vérifier que les conditions d'accueil garantissant la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs accueillis sont remplies.

Dans ce cadre, il est notamment demandé aux candidats de disposer d'un logement dont l'état, les dimensions et l'environnement permettent d'assurer le bien-être physique et la sécurité des enfants, compte tenu du nombre et de l'âge de ceux pour lesquels l'agrément est demandé.

La définition de critères plus précis en la matière est laissée à la libre appréciation des services départementaux, ce qui entraîne de véritables inégalités pour les candidats à l'agrément. Certains départements délivrent ainsi l'agrément en fonction du nombre d'étages à gravir jusqu'au logement et de la présence, ou non, d'un ascenseur. D'autres exigent que l'enfant placé chez un assistant familial dispose d'une chambre individuelle, ce qui constitue souvent une difficulté insoluble pour un ménage souhaitant devenir famille d'accueil dans une zone fortement urbanisée. Il arrive également que la délivrance de l'agrément soit subordonnée à la réalisation de travaux dans le logement, parfois difficiles à engager dans le délai de trois mois qui court jusqu'à la notification de la décision du président du conseil général.

Si votre commission est soucieuse d'accorder aux enfants un accueil sécurisé et de qualité dans le foyer de l'assistant maternel ou de l'assistant familial, elle considère néanmoins que des critères de logement trop draconiens nuisent à l'accès à ces professions, dont le manque se fait pourtant sentir dans de nombreux départements. C'est notamment le cas des zones urbaines, en particulier en région Ile-de-France, et dans les départements du pourtour méditerranéen, tant pour la garde des jeunes enfants par un assistant maternel, où l'offre est souvent extrêmement tendue, que pour le placement familial.

Bien au contraire, elle estime que les candidats sérieux à ces métiers doivent être aidés et encouragés. C'est pourquoi elle propose que priorité leur soit donnée, ainsi qu'aux assistants maternels et familiaux actuellement en exercice, dans l'attribution d'un logement social et que leur soit plus largement offerte la possibilité de disposer d'un logement de taille supérieure à celui auquel ils auraient normalement droit compte tenu de la taille de leur foyer.

Si elle ne permettra pas à elle seule le développement de ces métiers dans les villes, et notamment en région parisienne, une telle disposition limitera à tout le moins un trop grand nombre de refus d'agrément pour des motifs liés au logement. De la même manière, votre commission se félicite de la mise en place d'un dossier de demande d'agrément unique, qui évitera désormais les trop grandes inégalités entre les départements, notamment concernant les critères relatifs aux conditions de logement.

En outre, l'installation d'assistants maternels dans des quartiers dits difficiles, qui concentrent une proportion importante de logements sociaux, contribuera, sans nul doute, à l'amélioration du cadre de vie, en développant notamment une offre de garde de proximité pour les enfants qui y vivent. En effet, l'accès par des parents, isolés ou non, à un système de garde proche de leur domicile ne peut que les encourager à rechercher ou à se maintenir dans un emploi, ce qui constitue pour des populations fragilisées, un gage d'intégration dans la société et de stabilité.

Une telle disposition ne pourra cependant avoir des effets positifs que si les organismes HLM ont effectivement les moyens de l'appliquer.

A cet égard, votre commission estime nécessaire de développer la construction de logements sociaux de grande taille, en nombre trop faible dans les projets actuels.

 

2. Assurer une rémunération décente aux professionnels

Le projet de loi n'inclut aucune mesure détaillée de revalorisation salariale, mais renvoie leur définition à des mesures réglementaires qui restent à intervenir.

Le texte apparaît, en revanche, plus explicite pour ce qui concerne les indemnités applicables en cas d'absence ou d'attente entre deux enfants à garder.

 

Les niveaux actuels de rémunération des assistants maternels et familiaux

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 92-642 du 12 juillet 1992, la rémunération des assistants maternels est fixée sur la base d'un forfait journalier qui ne peut être inférieur à 2,25 fois le SMIC horaire par enfant et par jour, en plus des indemnités et fournitures destinées à l'entretien de l'enfant. Ce minimum est fixé pour une durée d'accueil égale ou supérieure à huit heures et est réduit ou augmenté en proportion de la présence effective de l'enfant.

Le mode et le montant de rémunération des assistants familiaux sont établis en fonction de la durée d'accueil - au sens continu ou intermittent - que doit mentionner le contrat d'accueil passé pour tout enfant confié. Depuis la réforme de 1992, lorsque l'accueil est continu, la rémunération est déterminée sur une base minimale mensuelle fixée actuellement à 84,5 fois le SMIC horaire par mois et par enfant accueilli. Lorsque l'accueil est intermittent, très ponctuel ou de courte durée, la rémunération est versée par journée d'accueil, sur une base minimale de trois fois le SMIC horaire par enfant accueilli et par jour.

A partir de ce dispositif, les départements peuvent être classés selon trois catégories :

  • 39 départements appliquent un taux unique de rémunération ;
  • 22 départements appliquent des taux dégressifs en fonction du nombre d'enfants accueillis ;
  • 39 départements appliquent des taux différents pour l'accueil continu (selon qu'il s'effectue tous les jours, ou le week-end lorsque l'enfant est en internat scolaire pendant la semaine), certains appliquant en outre des taux dégressifs en fonction du nombre d'enfants accueillis.

Ces niveaux de rémunération posent un triple problème : leur faiblesse en cas de travail à temps partiel notamment, l'existence de nombreuses disparités entre départements ainsi que le développement, sur une partie du territoire national, d'une "crise de vocations" pour les assistants familiaux.

Selon l'enquête emploi de l'INSEE, le salaire mensuel net moyen des assistants maternels était de 542 euros en 2002, le salaire médian déclaré s'établissant à 488 euros. Leur salaire moyen représentait ainsi environ 45 % du salaire moyen de l'ensemble des salariés du privé à temps plein et 70 % du SMIC mensuel net pour 169 heures.

L'évolution, entre 1997 et 2002, de leur rémunération moyenne a été néanmoins plus rapide que celle du SMIC (+ 20 % contre + 15 %) et des rémunérations de l'ensemble des salariés à temps plein (+ 11 %). Ceci s'explique vraisemblablement par la présence de tensions accrues entre l'offre et la demande d'assistants maternels, notamment en Ile-de-France, Rhône-Alpes, Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Répartition des salaires mensuels nets moyens des assistants maternels
Champ : France métropolitaine, Source : INSEE, enquêtes Emploi, 1997 et 2002
  Moins
de 300 €
De 300
à 500 €
De 500
à 700 €
De 700
à 900 €
Plus
de 900 €
Ensemble Salaire
moyen
Salaire
médian
En 1997
Ensemble 35 %  34 %  16 %  9 %  6 %  100 %  427 €  381 € 
A temps plein 17 %  34 %  23 %  13 %  9 %  100 %  526 €  457 € 
En 2002
Ensemble 22 %  30 %  21 %  12 %  15 %  100 %  542 €  488 € 
A temps plein 9 %  29 %  26 %  16 %  20 %  100 %  631 €  595 € 

 

Il convient également de souligner l'importance des écarts salariaux : 22 % des assistants maternels et familiaux déclarent un salaire inférieur à 300 euros et 15 % un salaire supérieur à 900 euros. Ces écarts sont expliqués en grande partie par la durée du travail. Mais, même parmi les personnes qui déclarent une activité à temps plein, on observe des différences notables : 36 % perçoivent un salaire inférieur à 500 euros tandis que 20 % déclarent un salaire supérieur à 900 euros.

Ces données chiffrées doivent toutefois être interprétées avec prudence dans la mesure où le revenu réel moyen des assistants maternels constitue une réalité mal connue dans laquelle tous les intervenants s'accordent à reconnaître qu'intervient, pour une part, "l'économie souterraine".

S'agissant des assistants familiaux, on constate la même disparité de rémunération. Le rapport remis en avril 2002 au ministre délégué à la famille et à l'enfance, reprenant les conclusions des groupes de travail animés par le Direction générale de l'action sociale afin d'établir des propositions d'évolution du statut des assistantes et assistants maternels, mettait ainsi en évidence, pour l'année 2000, la répartition suivante sur un échantillon de 89 départements métropolitains :

Niveaux de salaires
Source : Rapport DGAS 2002
Nombre de départements
concernés en 2000
84,5 SMIC 21 
De plus de 84,5 SMIC à 90 SMIC 16 
De plus de 90 SMIC à 95 SMIC 17 
De plus de 95 SMIC à100 SMIC
De plus de 100 SMIC à 110 SMIC 12 
Au-delà de 110 SMIC 15 

 

En 2001, trois départements seulement versaient un salaire de 169 fois la valeur du SMIC horaire pour un enfant confié, et deux se rapprochaient de ce montant. La dispersion des salaires peut donc aller du simple au double selon les départements avec une moyenne nationale qui s'établit autour de 110 SMIC horaire par mois.

 

Les orientations souhaitables

Votre commission souhaite souligner l'importance de compléter sur la durée l'effort en faveur des assistants familiaux, et ce en raison des contraintes particulièrement fortes qui pèsent sur leurs horaires, les modalités de prise de leurs congés et les difficultés inhérentes à leur mission.

Elle souhaiterait qu'à terme la rémunération des assistants familiaux soit portée progressivement au niveau du SMIC mensuel. Cela permettrait de mettre fin à l'actuelle hétérogénéité des situations qui est caractérisée par un éventail de minima départementaux compris entre 84,5 et 169 SMIC horaire.

S'agissant des assistants maternels, votre commission formule le voeu que le mouvement de revalorisation salarial aboutisse, dans les meilleurs délais possibles, à la fixation d'un salaire mensuel correspondant à 169 fois la valeur du SMIC horaire pour trois enfants gardés en équivalent temps plein.

Elle ne méconnaît pas, toutefois, qu'outre son impact financier pour les familles, cette mesure aboutirait à augmenter le coût des exonérations de charges assurées par la Caisse nationale d'allocations familiales.

Elle rappelle également les améliorations notables proposées par le texte en matière de statut et d'indemnités. En outre, l'avantage fiscal et la non-prise en charge des revenus des assistants maternels dans le calcul de l'aide du logement, ce qui correspond à une dépense fiscale de 230 millions d'euros par an, sont maintenus. On ne peut exclure que, lorsque les revalorisations salariales auront atteint un niveau significatif, la question se posera de l'opportunité de revoir l'actuel avantage fiscal accordé à ces professions.

 

Le régime fiscal des assistants maternels et familiaux au titre de l'impôt sur le revenu

Les rémunérations des assistants maternels sont soumises à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux salaires.

Leur rémunération imposable est normalement constituée par les seules rémunérations proprement dites, à l'exclusion des indemnités qui leur sont versées pour l'entretien des enfants.

Mais elles peuvent aussi, à condition d'inclure ces indemnités dans leur revenu imposable, déduire forfaitairement les frais d'entretien et d'hébergement des enfants. La somme forfaitaire à déduire s'élève à trois fois le montant horaire du SMIC par enfant et par jour. Elle est portée à quatre fois le SMIC horaire pour les enfants handicapés, malades ou inadaptés ouvrant droit à un supplément de rémunération. Ces forfaits correspondent à une journée de garde de huit heures. Ils sont réduits proportionnellement pour les journées de garde d'une durée inférieure. Ils sont majorés d'une fois le SMIC par jour lorsque la durée de garde des enfants est de 24 heures consécutives.

Enfin, il convient d'observer que les assistants maternels et familiaux bénéficient de l'harmonisation en cours des différents niveaux de salaire minimum : entre le 1er juillet 2002 et le 1er juillet 2005 leur rémunération minimale augmentera ainsi de 11,4 % en termes réels.

 

L'effet du retour à un SMIC unique sur la rémunération des assistants maternels et familiaux

La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail (RTT), sous la précédente législature, avait conduit à créer un mécanisme de garantie mensuelle de rémunération (GMR) destiné à éviter qu'elle ne se traduise, pour les salariés payés au SMIC, par une baisse de rémunération.

Or, compte tenu de l'existence de cinq niveaux différents de GMR établis en fonction de la date effective de passage de l'entreprise aux 35 heures, un écart important s'était progressivement creusé, au détriment des salariés payés au SMIC horaire sur une base de 35 heures par semaine.

Cette différence était d'autant plus sensible que la réduction du temps de travail s'était avérée tardive, avec un maximum pour la GMR 5 applicable aux personnes passant aux 35 heures après le 1er juillet 2002. Ainsi, le montant de la rémunération mensuelle d'un salarié payé au SMIC sur une base de trente-cinq heures était, au 1er juillet 2002, de 1 035,90 euros, celui de la GMR 1 de 1 100,67 euros et celui de la GMR 5 de 1 154,27 euros.

La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 sur les salaires, le temps de travail et le développement de l'emploi a mis un terme à cette situation que votre commission avait alors qualifiée "d'impasse" et de "bombe à retardement". La solution retenue a consisté à opérer une "sortie par le haut" par une revalorisation différenciée et constante des autres garanties et du SMIC sur la période 2003-2005, de manière à ce qu'ils atteignent un point de convergence au 1er juillet 2005.

La convergence du SMIC et des GMR a ainsi débuté le 1er juillet 2003 et se poursuivra les 1er juillet 2004 et 2005. Au cours de cette période, la GMR 5, salaire horaire minimal le plus élevé, sera revalorisée du montant de l'inflation. Et le SMIC ainsi que les autres garanties seront progressivement alignés sur la valeur de la GMR 5 dans le cadre d'un processus de rattrapage. C'est le SMIC qui connaîtra la plus forte réévaluation au terme de ce processus, augmentant de 11,4 % en termes réels. La rémunération minimale des assistants maternels étant calée sur le SMIC horaire, elle s'élèvera mécaniquement dans les mêmes proportions.

Le tableau ci-après présente l'évolution de la rémunération minimale d'un assistant maternel au cours de la convergence. Deux situations sont envisagées : une garde à temps plein de 2,5 enfants (la moyenne) et de trois enfants (le maximum).

Evaluation de la rémunération minimale d'un assistant maternel
entre le 1er juillet 2002 et le 1er juillet 2005
Source : Calculs DSS 01/07/2002 01/07/2003 01/07/2004 01/07/2005
SMIC horaire 6,83 €  7,19 €  7,56 €  7,96 € 
2,5 enfants à temps plein
Montant brut mensuel 845,20 €  889,40 €  935,90 €  984,80 € 
Salaire horaire 4,70 €  4,94 €  5,20 €  5,47 € 
En % du SMIC horaire 69 %
3 enfants à temps plein
Montant brut mensuel 1 014,30 €  1 067,30 €  1 123,10 €  1 181,80 € 
Salaire horaire 5,63 €  5,93 €  6,24 €  6,57 € 
En % du SMIC horaire 83 %

Construction : le montant minimal de rémunération des assistants maternels est revalorisé au 1er juillet de chaque année (à partir de 2003 et jusqu'en 2005) de la façon suivante : augmentation de 3,67 % au titre de la convergence des salaires minimum (pour un total de 11,4 % à l'issue des trois ans), à laquelle s'ajouterait 1,5 % par an au titre de l'inflation. Le salaire nominal minimal des assistants maternels serait ainsi revalorisé de 16,5 % entre le 1er juillet 2002 et le 1er juillet 2005. Le salaire horaire minimal est estimé en faisant l'hypothèse d'un horaire mensuel de travail de 180 heures, soit à neuf heures de garde quotidienne (légalement ces horaires peuvent varier entre 160 et 200 heures pour un même niveau de rémunération). Il est majoré de 10 % au titre de l'indemnité de congés payés.

 

3. Développer l'accompagnement et le soutien aux assistants maternels

Une politique ambitieuse de développement des métiers d'assistant maternel et d'assistant familial ne peut enfin être pensée sans imaginer les moyens de faciliter l'exercice effectif de ces professions, notamment en favorisant l'accompagnement et le soutien de ces personnes, lorsqu'elles se trouvent confrontées à des réalités familiales et humaines douloureuses.

A cet égard, votre commission se félicite particulièrement de la place accordée aux assistants familiaux au sein de l'équipe pluridisciplinaire départementale chargé des placements familiaux de l'aide sociale à l'enfance (ASE) par le présent projet de loi. Il est ainsi précisé que les assistants familiaux travaillent avec cette équipe, dans le cadre d'un projet de service de l'aide sociale à l'enfance. Ainsi entourés, les assistants familiaux bénéficieront plus facilement du soutien des différents professionnels de l'ASE.

En revanche, votre commission se montre dubitative sur le fait de confier aux seuls services départementaux de la PMI, déjà débordés, un rôle d'accompagnement des assistants maternels, notamment ceux qui, employés par des particuliers, n'ont que peu de contact avec ces services.

Soucieuse de remédier à cette lacune et de permettre à ces professionnels, trop souvent esseulés dans l'exercice de leur profession, de trouver facilement un soutien en cas de difficulté et de partager leur expérience avec des pairs, votre commission souhaite qu'à l'occasion de ce texte les relais assistants maternels (RAM) se voient reconnaître une existence légale.

Les RAM ont une mission d'information des assistants maternels sur leurs droits et leurs obligations, de formation et de conseil pour l'exercice de leur métier et de mise en relation et de médiation entre les professionnels et les employeurs.

C'est également un lieu de rencontre où les assistants maternels se rendent volontairement, souvent avec les enfants qu'ils gardent, afin d'échanger entre eux et de vivre une partie de leur métier hors de leur domicile, ce qui fait partie indirectement du rôle d'accompagnement du RAM.

Votre commission estime indispensable de développer les RAM dans les communes dans lesquelles travaillent un nombre important d'assistants maternels, ainsi que dans les zones rurales, afin de faciliter l'exercice d'un métier souvent solitaire. Il lui semble également nécessaire de mettre l'accent sur leur mission de médiation afin de prévenir les litiges, de plus en plus nombreux avec les particuliers employeurs, mission qu'il conviendrait également de développer dans les nouveaux Points Info Familles, mis en place par la Conférence de la famille de 2003.

Sur ce point, s'il ne lui semble pas opportun d'insérer une telle disposition législative dans le présent texte, votre commission souhaite que soit menée une réflexion sur la possibilité de confier ces contentieux aux nouveaux juges de proximité, créés par la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 et progressivement mis en place depuis lors, afin de décharger les tribunaux d'instance et de permettre un règlement plus rapide des conflits.

Enfin, si le projet de loi ne traite pas des assistants parentaux qui gardent les enfants au domicile de leur famille, votre commission souhaite qu'ils puissent, à la demande de leur employeur, fréquenter les RAM, afin de leur permettre d'acquérir par ce biais des connaissances de base indispensables à la qualité du service qu'ils assurent.

 

B. Garantir un accueil de qualité aux familles et aux enfants placés
1. Encadrer plus strictement l'agrément

Consciente du déséquilibre croissant entre l'offre et la demande de garde par un assistant maternel, votre commission avait largement approuvé le principe d'un assouplissement de leur agrément prévu par la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance.

Le présent projet de loi confirme cet assouplissement ainsi que les possibilités de dérogations par le président du conseil général. Il précise toutefois que la limite de trois enfants pouvant être accueillis simultanément doit être calculée en tenant compte de la présence éventuelle au domicile des propres enfants de l'assistant maternel âgés de moins de trois ans.

Votre commission approuve cette disposition, destinée à offrir un accueil de qualité aux enfants et des conditions de travail satisfaisantes aux assistants maternels, dont certains doivent également assurer l'éducation et la garde de leurs propres jeunes enfants.

Dans le même souci, elle souhaite que soit reprise la proposition qu'elle avait faite à l'occasion de la discussion de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 pour limiter le nombre d'enfants accueillis par le même assistant maternel(5).

Elle avait en effet considéré qu'une relation privilégiée s'installe normalement entre l'enfant et la personne qui en a la charge, ce qui constitue d'ailleurs, aux yeux des familles, l'un des avantages qualitatifs de ce mode de garde, plus individuel que collectif. Le fait de permettre qu'un nombre potentiellement illimité d'enfants puissent être accueillis pour quelques heures, même s'ils ne sont que trois en garde simultanément, risque d'amoindrir la connaissance qu'a l'assistante maternelle de chacun, d'affaiblir l'attention qu'elle lui porte et d'avoir pour conséquence un accueil de moindre qualité.

Votre commission vous propose donc de retenir une limite de six enfants pouvant être accueillis par un même assistant maternel, afin de préserver la spécificité de ce mode de garde et d'éviter tout type d'abus en la matière, cette limite pouvant toutefois être assouplie par le président du conseil général, notamment pour l'accueil périscolaire.

On rappellera, à cet égard, que cette proposition est conforme à l'esprit qui avait présidé à l'adoption de l'article 1er de la loi n° 92-642 du 12 juillet 1992 relative aux assistants maternels et assistantes maternelles, à l'initiative de Mme Nelly Rodi, alors rapporteur(6). C'est, en effet, déjà votre commission qui avait introduit la limite des trois enfants pouvant être accueillis par un assistant maternel, avant la modification opérée par la loi du 2 janvier 2004.

 

"(...) Votre commission a adopté un amendement qui vise à limiter le nombre de mineurs accueillis par une assistante maternelle. Elle souhaite que ce nombre ne soit pas supérieur à trois. L'expérience prouve en effet qu'au-delà d'une certaine limite, des conséquences néfastes peuvent apparaître pour les enfants. Ce constat fait par votre rapporteur est corroboré par le témoignage recueilli auprès des médecins de PMI. Dans certains départements, l'agrément n'est d'ailleurs délivré que pour un nombre défini d'enfants."

 

2. Assouplir les dispositions modifiant le code du travail

D'une façon générale, votre commission a souhaité privilégier des règles souples et simples qui sont aisément applicables. Elle estime qu'il convient d'écarter les solutions rigides qui ne peuvent qu'encourager le "travail au noir". Ce risque est bien réel. Bien qu'aucune estimation officielle ne soit disponible, certaines évaluations laissent penser qu'il pourrait y avoir dans notre pays jusqu'à 100 000 personnes non déclarées gardant une population d'environ 200 000 enfants en bas âge.

  1. Tenir compte des spécificités en termes de durée du travail

Le cas des assistants familiaux est si spécifique en matière de durée du travail que le texte du projet de loi n'y fait pas volontairement référence.

En effet, si la France est le seul pays d'Europe à avoir fait entrer les accueillants familiaux dans un véritable statut de salariat, cette profession constitue bel et bien un cas à part.

Les assistants familiaux accueillent en effet dans leur famille des enfants qui ne peuvent rester avec leurs parents, soit pour des raisons de protection de l'enfance, soit en raison de leur état de santé ou de leur handicap. Lorsqu'il sont confiés à des assistants familiaux, les enfants bénéficient d'un accueil qui leur permet de vivre une expérience familiale au quotidien et dans la continuité : les assistants familiaux sont chargés de leur délivrer tous les soins et l'éducation dont un enfant a besoin dans la vie courante. Cette mission, de type "parental", exercée dans le respect de la place des parents de l'enfant, est par nature permanente et ne s'arrête pas certains jours de la semaine ou de l'année : la famille d'accueil, dont l'assistant familial est en quelque sorte le pivot, est un lieu où l'enfant vit et grandit souvent pendant plusieurs années.

Le fait de confier des enfants à des familles chargées de les élever est une pratique très ancienne. En France, l'évolution de cette activité, la prise de conscience de la nécessité que les accueillants soient formés dans une perspective d'un soutien dans leur tâche éducative ont conduit à faire de l'accueil familial d'enfants "placés" une activité salariée en vertu de la loi n° 77-5045 du 17 mai 1977. Cette loi "fondatrice" prévoit les règles spécifiques pour tenir compte de la nature particulière de cette activité : elle écarte, pour cette profession, l'application des règles relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés. Par la suite, la loi n° 92-642 du 12 juillet 1992 s'est située dans la même perspective, en apportant toutefois une amélioration à l'indemnisation des congés annuels non pris, avec l'autorisation exceptionnelle de cumul du salaire et de l'indemnité de congé payé pour la période considérée.

Le caractère non permanent de l'activité des assistants maternels autorise, en revanche, un certain rapprochement avec le droit du travail justifié par l'incidence de la précarité, dans la mesure où un grand nombre d'assistants maternels travaille à temps partiel et pour une pluralité d'employeurs, par un désir fréquent de travailler davantage et par le besoin, pour les employeurs comme pour les assistants maternels, d'une grande amplitude des horaires de travail.

L'enquête emploi 2002 de l'INSEE a mis ainsi en évidence que "les deux tiers des assistants maternels déclaraient travailler à temps plein et environ un tiers à temps partiel. Il s'agit le plus souvent de celles évaluant leur temps de travail habituel comme étant inférieur à trente-cinq heures. Près de la moitié d'entre elles indiquent qu'elles souhaiteraient travailler davantage, contre 33 % des salariés du privé à temps partiel et six sur dix se disent disponibles pour travailler plus. (...)

Cela semble indiquer, d'une part, que le temps partiel est plus souvent subi que chez l'ensemble des salariés du secteur privé et qu'il existe, d'autre part, des marges de développement d'activité. Par ailleurs, entre 5 et 6 % des assistantes maternelles rechercheraient chaque année un autre emploi, alors que 10 à 11 % des salariés du secteur privé sont dans ce cas. Les assistantes maternelles ne sont par ailleurs que 3 % à suivre une formation."

Il apparaît également que 38 % des assistants maternels à temps plein déclarent travailler habituellement plus de quarante-cinq heures par semaine.

La DREES(7) notait ainsi que "parmi les assistantes maternelles à temps plein qui ont indiqué leur horaire habituel, la norme légale de travail salarié compris entre 35 et 39 heures hebdomadaires ne semble pas être la référence effective ; seules 14 % d'entre elles déclarent un horaire habituel de travail compris dans cette fourchette. Les réponses sont particulièrement concentrées dans une tranche de 50 à 54 heures hebdomadaires et l'horaire habituel moyen était, en 2002, de 46 heures (...). Toujours parmi celles qui se déclarent à temps plein, les horaires médians, habituels et effectués, étaient de 45 heures, ce qui porte à la moitié la part des assistantes maternelles déclarant effectuer plus de 45 heures par semaine".

La moitié des assistants maternels indique ne travailler habituellement que du lundi au vendredi, ni le soir ni la nuit et garde les mêmes horaires chaque jour. Par ailleurs, 34 % travaillent uniquement la semaine en journée mais ont des horaires variables d'un jour à l'autre, 8 % travaillent en soirée, la nuit, le samedi ou le dimanche, tout en ayant des horaires réguliers. Enfin, 4 % disent cumuler horaires irréguliers et "décalés". La proportion de celles qui mentionnent des horaires "décalés" n'a pas varié depuis 1994. Par contre, elles sont de plus en plus nombreuses à avoir des rythmes irréguliers, 30 % en 1994 contre 38 % en 2002.

Dans ce contexte, les limitations à la durée du temps de travail des assistants maternels que le projet de loi envisage d'introduire semblent trop rigides au regard des spécificités de cette profession. Votre commission vous proposera donc de créer une possibilité d'assouplissement prévoyant que pour les assistants maternels la durée moyenne hebdomadaire de référence soit calculée sur une moyenne sur douze mois et, en tout état de cause, dans le respect d'un plafond annuel de 2 250 heures.

 

  1. Permettre la mise en oeuvre effective du droit à congé pour les assistants familiaux

Le texte propose de fixer, par décret, les modalités de congés bénéficiant aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé, sans la présence des enfants qui leur sont confiés. Or, en pratique, les assistants familiaux se trouvent confrontés à de nombreuses difficultés et doivent le plus souvent partir en congé avec ces enfants. Ils bénéficient alors d'une indemnisation.

Mais cette situation est d'autant plus pénalisante que les assistants familiaux se voient confier de plus en plus souvent des mineurs ayant un profil difficile. Dans ces conditions, le droit au repos constitue autant un besoin qu'un droit à garantir.

Votre commission ne méconnaît pas, dans ce domaine également, les spécificités de cette profession qui se prête difficilement à une harmonisation avec le code du travail. Elle considère que, pour autant, les assistants familiaux ne peuvent rester à l'écart du corps social français, dont une large part bénéficie d'ailleurs de systèmes de réduction du temps de travail plus favorables.

Les personnes acceptant d'accueillir des enfants après placement judiciaire font preuve d'un dévouement, d'un civisme et d'une bonne volonté qui, faute de reconnaissance, risquerait de se tarir.

Aussi votre commission entend-elle proposer, par amendement, la mise en place d'un système de compte épargne temps correspondant aux congés pris en présence des enfants confiés.

 

  1. Mentionner dans la loi le projet de convention collective des assistants maternels

Votre commission regrette, d'une façon générale, les fréquents renvois à des mesures réglementaires auxquels le projet de loi procède.

Elle souhaite qu'en revanche, par voie d'amendement, la convention collective actuellement en cours d'adoption soit visée dans le corps même du texte, et ce à la condition que la version définitive de ce texte soit étendue par les pouvoirs publics.

Cette convention collective dont la négociation a débuté voici plus de trois ans, aborde en particulier les thèmes suivants : la prévoyance, la formation professionnelle continue, le droit aux congés, les jours fériés et la notion de pluralité d'employeur.

 

  1. Organiser les modalités de rupture du contrat de travail

S'agissant des modalités de rupture du contrat de travail des assistants maternels employés par des particuliers, votre commission s'interroge sur le caractère très bref des préavis en cas de rupture, à l'initiative du salarié comme de l'employeur : quinze jours pour le cas où l'enfant est confié depuis au moins trois mois et un mois lorsqu'il est accueilli depuis au moins un an.

Elle vous proposera également de maintenir la disposition actuelle suivant laquelle l'inobservation, par l'assistant maternel, du préavis de rupture du contrat de travail "constitue une rupture abusive qui ouvre droit au profit de l'employeur à des dommages intérêts".

***

Le projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux constitue le prolongement des lois de 1977 et 1992 et offre enfin à ces deux professions un véritable statut et une professionnalisation affirmée.

Votre commission ne peut qu'être favorable aux améliorations qu'il apportera en matière d'accueil du jeune enfant et de prise en charge des mineurs en difficulté, deux sujets dont elle s'est particulièrement préoccupée à l'occasion des derniers textes dont elle a été saisie.

S'agissant des assistants familiaux, la dégradation des situations des mineurs placés rend, en effet, indispensable le fait de leur conférer un statut valorisé en professionnalisant leur métier.

En outre, dans le souci constant de faciliter la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, votre commission appelle de ses voeux un développement de l'accueil des enfants par un assistant maternel, auquel le présent projet de loi devrait efficacement contribuer.

A cet égard, il serait souhaitable de donner à cette profession, ainsi que, plus généralement, à l'ensemble des métiers de service aux personnes, une place mieux reconnue dans le cadre de l'orientation professionnelle des jeunes par l'éducation nationale.

Elle vous propose donc d'adopter le présent projet sous réserve des observations et des amendements qu'elle vous présente.

 


Renvois :

  1. Etudes et résultats de la DREES
    N° 217, février 2003
  2. Etudes et résultats de la DREES
    Les assistantes maternelles : une profession en développement. N° 232, avril 2003
  3. Rapport de l'Inspection générale des affaires sociales sur les accueils provisoires et placements d'enfants et d'adolescents
    Pierre Naves et Bruno Cathala - juin 2000 - Bulletin officiel solidarité-santé
  4. Assistantes et assistants maternels, propositions d'évolution du statut
    Rapport remis à Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. - Avril 2002
  5. Accueil et protection de l'enfance. Première lecture
    Rapport n° 10 (2003-2004) de M. Jean-Louis Lorrain. Commission des Affaires sociales
  6. Cf. rapport Accueil et protection de l'enfance précité
  7. Revue "Etudes et résultats" n° 232, avril 2003

 

 

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